Assise sur sa corniche de l’Estaque aux Calanques, on l’observe fourmiller dans un brouhaha d’embouteillages qui de loin, lui donnent l’air immobile. Alors on s’approche. Marseille. Un territoire baroque qu’on aime chérir et détester sans trop savoir pourquoi.
Des quartiers naissent, certains revivent et se redressent. La ville se réinvente de friches en terrasses, comme s’il était temps pour la plus vieille ville de l’hexagone de devenir adulte en s’offrant un quartier d’affaires et un musée digne des plus belles cités du monde. Mais on ne sort pas d’un enlisement vieux de quelques décennies d’un claquement de doigts. Les clichés et les caricatures ont la vie dure. On a fini par aimer les entretenir pour ne pas avoir à les regarder en face. La faute est partagée, la sentence collective. Dans l’imaginaire commun qui ne s’embarrasse pas de la complexité, Marseille est donnée pour violente, sale, corrompue, chaude plutôt chaleureuse. Le dire, c’est l’accepter, et balayer d’un coup de Mistral toutes les énergies constructives qui bâtissent la ville de demain en proposant des alternatives durables pierre après pierre.
Dans l’imaginaire commun qui ne s’embarrasse pas de la complexité, Marseille est donnée pour violente, salle, corrompue, chaude plutôt chaleureuse. Le dire, c’est l’accepter, et balayer d’un coup de Mistral toutes les énergies constructives qui bâtissent la ville de demain en proposant des alternatives durables pierre après pierre.
Les optimistes ne sont pourtant pas rares, et en proportion les bonnes volontés au moins aussi nombreuses qu’ailleurs. Dans la deuxième ville de France, cela n’est pas rien. On compte les acteurs du changement et les entrepreneurs sociaux par centaines. Ils n’ont simplement pas les armes pour contrebalancer le goût amer de trois minutes d’une bonne fusillade au vingt heures. Quel projet d’insertion ou de réhabilitation aura un jour le poids médiatique d’un règlement de compte sur le Vieux Port qui tourne au bain de sang ? Chaque fois c’est un pas en arrière qui nous fait oublier à tous que Marseille est une ville monde, un lieu de brassage pour nos points cardinaux, un OVNI social et urbain, une chance aussi.
Depuis 2012 au sein de Ouishare, nous avons eu la chance nous trouver au coeur d’une dynamique internationale dont il est aujourd’hui encore impossible de mesurer l’ampleur. Partout au niveau local les acteurs se fédèrent et se connectent les uns aux autres en tâchant d’apprendre et de reproduire ce qu’ils observent ailleurs. Entrepreneurs, associations, grands groupes, citoyens, pouvoir publics. Tous cherchent des manières nouvelles de faire société et d’adresser les problèmes de notre époque de façon originale et efficiente. La plupart du temps en devant faire face à des enjeux financiers difficiles : l’innovation sociale se finance mal, dire le contraire serait mentir. Le retour sur investissement n’est pas toujours économique, et les projets de long terme se heurtent à la culture du courtermisme qui gangrène notre époque. Les acteurs marseillais ne font pas exception.
En partant à la rencontre des porteurs de projets une chose nous a frappés. En raison de la structure du territoire particulièrement vaste peut-être, et de la difficulté qu’il y a à se déplacer en dehors des centres urbains, en raison aussi des enjeux du pilotage quotidien des projets menés par chacun, l’action commune fait défaut.
En raison de la structure du territoire particulièrement vaste peut-être, et de la difficulté qu’il y a à se déplacer en dehors des centres urbains, en raison aussi des enjeux du pilotage quotidien des projets menés par chacun, l’action commune fait défaut.
De leurs cotés, focalisés sur les grands projets urbains d’aménagement et de promotion sociale, les acteurs publics ont la tête ailleure et la fracture est nette entre le tissus social et économique local d’un côté, et les autorités locales de l’autre. Chacun agit dans son coin, peut-être persuadé qu’il vaut mieux être seul que mal accompagné. Contrairement à Paris, Barcelone, Londres, ici nous ne parlons pas d’écosystème car nous ne savons pas encore le nommer.
Et lorsque malgré tout nous en parlons, nous ne savons pas l’identifier ni où le chercher. Au regard du potentiel qui est le nôtre, les projets communs sont trop rares. Des rencontres évidentes n’ont pas lieu pour que les vision convergent et les porteurs de projets se rencontrent. C’est dommage. Il y a fort à parier que de nombreuses initiatives auraient pu voir le jour si nous avions plus souvent disposé d’un moment pour nous rencontrer et apprendre à nous connaître. Peut-être n’était-ce tout simplement pas encore le moment.
Ce que l’on sent aujourd’hui de façon palpable de part et d’autre du vieux port, c’est un frétillement d’énergies diffuses que nous voulons contribuer à catalyser dans un écosystème collaboratif et créatif pour enfin pouvoir le nommer. Depuis six ans, partout dans le monde, le rôle de Ouishare a été de favoriser l’émergence de projets collectifs positifs et audacieux autour de communautés qui peuvent chez nous aussi, contribuer à rendre notre ville meilleure. Voilà pourquoi nous appelons toutes les bonnes volontés à enclencher avec nous une dynamique collective qui favorise l’innovation et le faire ensemble au service de la ville. Aujourd’hui d’un événement de rencontre tel que Panoramars, demain lors d’un forum, au sein d’un lieu, ou de mille autres projets qu’il ne tient qu’à nous d’inventer.
A l’image de Berlin, Medellin, Lisbonne hier. Le Marseille de demain se construit aujourd’hui. Un proverbe africain bien connu nous dit « Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ».