Cette tribune s'inscrit dans le cadre des Rencontres de l’Écologie et du Travail qui se tiendront les 29, 30 avril et 1er mai à la Cité fertile à Pantin. Organisé par Ouishare et le Printemps Écologique, en collaboration avec les Collectifs, cet événement vise à rassembler pendant trois jours les personnes et les organisations qui veulent œuvrer collectivement à une transformation juste et écologique du monde du travail.
L'absence de la question écologique dans la campagne présidentielle raconte une nouvelle fois à quel point il est difficile de faire coïncider des enjeux électoraux avec une vision de société à plus long terme. En dépit d’une marche pour le climat et d’un “Débat du siècle” organisé sur Twitch qui ont tant bien que mal tenté de faire exister le sujet à quelques semaines du scrutin majeur de la Ve République, le débat démocratique peine à décoller. D’abord focalisé sur les qualités oratoires de l'une et de l'incapacité à rassembler de l'autre, il a été définitivement mis à mal par le conflit qui se joue en Europe et qui accapare toute notre attention, en occultant du même coup le dernier rapport du GIEC aux perspectives non moins alarmantes.
Crise culturelle, économique, européenne, sociale, migratoire, démocratique, écologique et désormais militaire. À force d'énoncer que la France est en crise, les urnes ont perdu leur pouvoir de mobilisation, lequel se déplace à vue d'œil et de plus en plus loin sur le terrain de la révolte, de la défiance, de l'action directe et de l'indignation. Tandis que toutes nos politiques restent érigées sur de timides approches réformistes et proposent de soigner nos fractures avec de la pommade, l'évidente nécessité de placer l'écologie au cœur du processus démocratique peine à se rendre audible.
Comme à chaque élection, celle qui vient a droit à son lot de discours nous promettant des jours meilleurs à coup de croissance, de sécurité, d'emploi, de baisse des impôts et de pouvoir d'achat. Mais la machine à rêves est enrayée. Vouloir transformer le pays revient à essayer de corriger quelques bugs. En dépit de ses nouveautés pittoresques, cette non-campagne a malheureusement un air de déjà-vu. Le milieu politico-médiatique peine à se saisir pleinement de la question écologique. Pourtant, l'écologie n'a plus rien d'une idéologie, elle est devenue une urgence.
Le glissement politique aura lieu quand le monde économique se sera enfin emparé des enjeux climatiques.
Quels moyens d'action nous reste-t-il ? Les citoyens - dont un nombre grandissant se muent en activistes au sein d’associations ou d’entreprises - ont bien quelques cartes en main pour continuer d'agir en attendant le réveil d’une classe politique pour le moins apathique. Selon l'ADEME, 80 % des Français voudraient voir les mêmes moyens consacrés à la crise climatique qu’à celle du COVID, et 69 % d'entre eux souhaitent désormais favoriser les activités économiques préservant l'environnement et la cohésion sociale. Le signal est clair. Les Français sont prêts à un grand bouleversement écologique qu’ils n’en finissent pas d’attendre.
Tout porte à croire que le glissement politique aura lieu quand le monde économique se sera enfin emparé des enjeux climatiques. La course pour un avenir durable devient un enjeu de compétitivité majeur au niveau mondial. Les nations qui sortiront gagnantes de cette transition auront compris avant les autres que s'orienter vers des modèles économiques vertueux est un enjeu capital. Quant aux entreprises, elles doivent se mettre en mouvement. Gageons que nos gouvernants suivront quand ils auront eux aussi compris que ce n'est pas de jeu électoral dont on parle, mais bel et bien de survie.