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April 4, 2018

La transition n'est pas un long fleuve tranquille - Entretien avec Michel Bauwens

Michel Bauwens est l’un des pionniers du mouvement pair-à-pair. Théoricien, activiste et conférencier, il fonde la P2P Foundation en 2005. Il est également l’un des tout premiers compagnons de route de OuiShare (il figure d'ailleurs parmi les têtes d’affiche de la prochaine édition du OuiShare Fest). Sa pensée, riche et complexe, s’articule autour des notions de réseau et de commun, et jette les bases conceptuelles d’un système de production alternatif au capitalisme industriel. Je l’ai rencontré à l’occasion de la sortie française de son dernier ouvrage, Sauver le Monde - Vers une société post-capitaliste avec le peer-to-peer (édition Les Liens qui Libèrent).

Capitalisme, peer-to-peer : it’s complicated

Michel, Sauver le Monde, votre dernier ouvrage, est la traduction d’une série d’entretiens avec Jean Lievens parue il y a deux ans. Que s’est-il passé entre temps ? Avez-vous le sentiment que la dynamique de la transition que vous appelez de vos voeux s’est accélérée ?

Michel Bauwens. En la matière, il convient de se hâter lentement. Il est clair que la transition vers une économie post-capitaliste et durable ne se fera pas en un jour, ni même en quelques années. C’est un processus de longue haleine. Certains projets qui pouvaient il y a encore un ou deux ans avoir l’air de fonctionner selon une logique pair-à-pair ont depuis franchement versé dans un pur esprit capitalistique. Cela leur permet de se développer rapidement, quand d’autres projets, plus ouverts, véritablement collaboratifs, font le choix d’une croissance plus lente.

Quand on n’a pas de capitaux, il faut compter sur les dynamiques de solidarité. Alors oui, cela peut donner une impression de relative stagnation, mais je ne m’en inquiète pas outre mesure. Car c’est une crise majeure, tout à la fois écologique, sociale et économique, qui se profile à l’horizon. L’enjeu, c’est d’être prêt quand cette dernière éclatera, probablement vers les années 2030. FairCoop, WikiSpeed… Les projets de ce genre sont encore modestes et oui, trop peu nombreux. Dans les années qui viennent, il faudra que ceux qui ne sont encore que les germes de cette transition constituent un écosystème stable, de façon à amorcer un véritable mouvement.

Dans un entretien que vous nous aviez accordé en 2013, vous affirmiez que capitalisme et le pair-à-pair étaient encore interdépendants. N’est-ce pas là tout le problème ? Cette relation est-elle stable ?

M. B. Non, bien sûr, comment pourrait-elle l’être ? La valeur générée par les communs est encore largement captée par le capital : en adoptant des logiques extractives, les grandes plateformes de l’économie du partage s’adonnent à une forme de parasitisme. Si le capitalisme était autrefois un mode d’allocation de ressources en situation de rareté, il est aujourd’hui devenu un système d’ingénierie de la rareté. Notre système marche sur la tête : nous feignons de croire que les ressources naturelles sont infinies, et nous imposons des barrières artificielles à ce qui est par nature abondant : la créativité et l’intelligence humaines. C’est un problème profondément moral.

Le capitalisme est devenu un système d'ingénierie de la rareté

Dans son livre Owning Our Future: The Emergent Ownership Revolution, Marjorie Kelly définit très justement la nature du défi qui nous attend : passer d’un capital extractif à un capital génératif. La bonne nouvelle, c’est que ce processus est déjà à l’oeuvre. Tout d’abord parce qu’il est aujourd’hui impossible d’occulter le fait que la société civile est devenue créatrice de valeur. C’est un point important, car la société civile était très largement absente de l'équation capitaliste “classique”. En outre, nous commençons à assister à la mutation des structures du marché lui-même : des sphères marchandes d’un genre nouveau se structurent autour du commun. Enspiral [il s'agit d'un réseau collaboratif d'entreprises responsables, NDLR], en Nouvelle Zélande, est le parfait exemple de ce genre de coalition entrepreneuriale.

Quelles sont les solutions concrètes qui permettraient selon vous au modèle pair-à-pair de prendre son indépendance vis-à-vis du capitalisme ?

M. B. Il ne faut déjà pas se tromper de stratégie. Je pense que malgré toutes les bonnes volontés, les projets qui ambitionnent de concurrencer frontalement Google ou Facebook sont condamnés à l’échec. Je crois beaucoup plus aux approches plus ciblées, à l’instar de celle de Loomio [outil en ligne d'aide à la délibération et à la prise de décision collaborative, NDLR]. La transition s’opérera par des petites victoires de ce genre qui se connecteront les unes avec les autres.

Trouver une troisième voie, qui permette d’assurer un rapport équilibré entre la sphère marchande et celle des communs

Cela passe aussi par l’invention d’outils juridiques nouveaux. Nous avons totalement perdu la mémoire des communs, et cela s’en ressent très fortement dans notre tradition juridique. Il faut faire place à l’innovation juridique. En la matière, des logiques telles que le copyleft ou à l’opposé le copysol [cette dernière licence interdit toute interaction avec le secteur marchand traditionnel, NDLR] sont certes intéressantes, mais très imparfaites car trop radicales dans leurs implications. Je veux trouver une troisième voie, qui permette d’assurer un rapport équilibré entre la sphère marchande et celle des communs. C’est tout le sens de la réflexion amorcée autour de la notion de “licence à réciprocité renforcée”, qui met en balance contribution aux communs et prélèvement sur ces derniers.

Cela suffira-t-il ? Ceux aux mains desquels le capital se concentre aujourd'hui n’ont aucun intérêt à l’émergence d’un modèle distribué et équitable…

M. B. Aucune révolution ne s’est jamais faite sans qu’une fraction de l’élite en place ne prenne le parti du progrès ! Cela signifie qu’un changement de culture est nécessaire. Aujourd’hui, Joe Justice [fondateur de la communauté WikiSpeed, NDLR] peine à lever des fonds, y compris auprès de la finance éthique, car WikiSpeed ne dépose pas de brevets. Il n’est plus possible que le monde de la finance responsable continue de soutenir des logiques créatrices de rareté artificielle.

Comme je vous le disais tout à l’heure, quand on manque de moyens, on travaille ensemble. Pour les iniatives de l’économie des communs, se constituer en réseau est plus qu’un enjeu de survie. Pour avoir une idée de ce à quoi ce genre d’écosystème pourrait ressembler, il faut se rendre à Madison, dans le Wisconsin : là-bas, des coopératives alimentaires, des systèmes de crédit coopératif inter-entreprises, des banques du temps, etc. se sont rassemblés au sein du Mutual Aid Network. Là-bas, l’économie alternative est visible dans la rue, et ce changement s’est opéré en moins de deux ans ! On trouve le même genre d'ambition à la source d'une initiative comme FairCoop en Espagne.

Communs : n. m. Ressources co-développées et co-gérées par une communauté et partagées selon les règles fixées par cette même communauté.

Pour le moment, les grands courants transformateurs qui traversent l’économie - l’économie ouverte, l’économie solidaire et l’écologie - se déploient indépendamment les uns des autres. Mais quand ces dernières convergeront, nous assisterons à la naissance d’une économie open source et circulaire. Ce concept d’Open Source Circular Economy est au cœur de la réflexion que nous menons au sein de la P2P Foundation.

Tout est politique

J’ai souvent le sentiment qu’en nous concentrant sur l’économie et en laissant de côté les processus politiques, nous avons les uns et les autres cédé aux sirènes du solutionnisme technologique décrié par Evgeny Morozov. Qu’en pensez-vous ? Devons-nous réapprendre à faire de la politique ?

M. B. Oui, d’une certaine façon, mais ce qui compte, c’est que le politique ait fini par se réimposer de lui-même au terme d’un apprentissage collectif. La Commons Transition Platform au sein de laquelle je suis très impliqué, rassemble et détaille les plans de transformation politique nécessaire à la mise en oeuvre d’une société post-capitaliste. C’est également le sens de la démarche que nous avons porté avec le projet FLOK en Équateur. Le plan de transition politique imaginé s’articulait autour d’une société civile au centre de la création de valeur en commun, d’une sphère marchande intégrant les externalités et d’un État facilitateur. Si FLOK fut un semi-échec, en raison d’un manque de volonté politique et de l’absence de base sociale sur laquelle s’appuyer, la vision politique que nous avons esquissée fait son chemin en Europe (certaines propositions ont notamment été intégrées au sein du programme économique de Syriza en Grèce).

Comment surmonter la contradiction entre les logiques institutionnelles qu’implique l’entrée dans le jeu politique et l’horizontalité chère aux mouvements sociaux contemporains ? Occupy Wall Street ou les Indignados ont fini par s’essouffler, et les Printemps Arabes ont été largement dévoyés. En Espagne, Podemos s’efforce de maintenir cet équilibre entre bottom-up et pouvoir vertical, mais cela se fait au prix de tensions permanentes.

M. B. Faire passer un mouvement à l’échelle de façon durable selon une pure logique horizontale est très compliqué, sinon impossible. A un moment ou à un autre, il faut qu’une entité collective intervienne pour transcender les intérêts individuels. Cela fait également partie de l’apprentissage collectif de la politique que nous avons dû faire. C’est également le sens de l’expérience Podemos en Espagne. Un système d’organisation totalement horizontal provoque beaucoup trop de pertes d’énergies; a contrario, le fonctionnement vertical doit être cantonné dans les espaces où il garantit un plus grand degré d’autonomie à chacun. Un peu à la façon du Domain Name System aux débuts de l’Internet.

Question subsidiaire : les communs sont-ils de gauche ?

M. B. La P2P Foundation est une organisation pluraliste sur le plan politique, tout simplement parce que la logique qui sous-tend les communs traverse l’intégralité du spectre politique. Il existe de la solidarité à droite, certains pans de l’idéologie du Front National pourraient même passer pour plus socialistes que ce que propose aujourd’hui le PS. Toute la question est de savoir à qui s’applique cette solidarité. A droite, on ne soutient véritablement que les siens ! C’est donc sur la question de l’inclusion que la véritable ligne de fracture entre droite et gauche se révèle.

C’est sur la question de l’inclusion que la véritable ligne de fracture entre droite et gauche se révèle

Personnellement, je suis un homme de gauche, et je pense que la transition vers une économie des communs ne vaut que si elle profite à tous. Tout l’enjeu est de dépasser le progressisme fondé sur le monde du travail hérité du siècle dernier. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le socialisme européen traverse une profonde crise d’identité.

Il est vrai qu’aucune formation partisane ne s’est véritablement emparé de ce thème des communs. A tort ou à raison ? Peut-on vraiment faire de cette question un objet politique ? Le concept de commun reste quoi qu’on en dise plutôt hermétique.

M. B. Le langage des communs peut de prime abord sembler technique et indigeste, c’est vrai. Mais au milieu des années 2000, quand j’ai créé la P2P Foundation, j’ai fait le choix d’abandonner totalement l’ancien lexique politique de la gauche. A l’époque, le grand public ne savait pas trop ce que pouvait bien signifier un concept comme le peer-to-peer. Mais à mesure que les pratiques culturelles et sociales se transformaient, que l’expérience du réseau devenait quotidienne, ce langage nouveau était adopté par des franges de plus en plus larges de la population. Il en ira très probablement de même avec le vocabulaire des communs.

Tout dépendra des mouvements sociaux qui prendront sur eux de porter cet arsenal conceptuel original. Je vous trouve d’ailleurs plutôt pessimiste : le Parti Pirate, les écologistes européens, Podemos ou encore Syriza ont déjà largement embrassé cette question des communs. Cette dernière est au cœur d'une nouvelle pensée progressiste.

Politiser les communs, c’est aussi en faire la généalogie

Si le droit fait aujourd’hui aussi peu de place aux communs, c’est que nous en avons perdu la mémoire. Pourtant, ce mode d’organisation et de gestion des ressources existait bien avant le capitalisme industriel moderne. Il nous faut nous rattacher à cette tradition et réécrire ce pan oublié de notre histoire économique. Politiser les communs, c’est aussi en faire la généalogie. C’est à cette condition que nous pourrons jeter les bases d’un nouveau récit sur le progrès. Changer le monde pour le meilleur demandera des efforts considérables de la part de tout un chacun, mais je pense que le pair-à-pair est une vision de société qui vaut la peine de ce sacrifice.

Merci Michel, et rendez-vous à Paris en mai prochain !

 

Image à la Une : « Turner, J. M. W. - The Fighting Téméraire tugged to her last Berth to be broken » par Joseph Mallord William Turnerhttp://www.nationalgallery.org.uk/paintings/joseph-mallord-william-turner-the-fighting-temeraire. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.

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Arthur De Grave
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En attendant son intervention au prochain OuiShare Fest, j'ai profité de la sortie française de son dernier livre pour m'entretenir avec Michel Bauwens.

Michel Bauwens est l’un des pionniers du mouvement pair-à-pair. Théoricien, activiste et conférencier, il fonde la P2P Foundation en 2005. Il est également l’un des tout premiers compagnons de route de OuiShare (il figure d'ailleurs parmi les têtes d’affiche de la prochaine édition du OuiShare Fest). Sa pensée, riche et complexe, s’articule autour des notions de réseau et de commun, et jette les bases conceptuelles d’un système de production alternatif au capitalisme industriel. Je l’ai rencontré à l’occasion de la sortie française de son dernier ouvrage, Sauver le Monde - Vers une société post-capitaliste avec le peer-to-peer (édition Les Liens qui Libèrent).

Capitalisme, peer-to-peer : it’s complicated

Michel, Sauver le Monde, votre dernier ouvrage, est la traduction d’une série d’entretiens avec Jean Lievens parue il y a deux ans. Que s’est-il passé entre temps ? Avez-vous le sentiment que la dynamique de la transition que vous appelez de vos voeux s’est accélérée ?

Michel Bauwens. En la matière, il convient de se hâter lentement. Il est clair que la transition vers une économie post-capitaliste et durable ne se fera pas en un jour, ni même en quelques années. C’est un processus de longue haleine. Certains projets qui pouvaient il y a encore un ou deux ans avoir l’air de fonctionner selon une logique pair-à-pair ont depuis franchement versé dans un pur esprit capitalistique. Cela leur permet de se développer rapidement, quand d’autres projets, plus ouverts, véritablement collaboratifs, font le choix d’une croissance plus lente.

Quand on n’a pas de capitaux, il faut compter sur les dynamiques de solidarité. Alors oui, cela peut donner une impression de relative stagnation, mais je ne m’en inquiète pas outre mesure. Car c’est une crise majeure, tout à la fois écologique, sociale et économique, qui se profile à l’horizon. L’enjeu, c’est d’être prêt quand cette dernière éclatera, probablement vers les années 2030. FairCoop, WikiSpeed… Les projets de ce genre sont encore modestes et oui, trop peu nombreux. Dans les années qui viennent, il faudra que ceux qui ne sont encore que les germes de cette transition constituent un écosystème stable, de façon à amorcer un véritable mouvement.

Dans un entretien que vous nous aviez accordé en 2013, vous affirmiez que capitalisme et le pair-à-pair étaient encore interdépendants. N’est-ce pas là tout le problème ? Cette relation est-elle stable ?

M. B. Non, bien sûr, comment pourrait-elle l’être ? La valeur générée par les communs est encore largement captée par le capital : en adoptant des logiques extractives, les grandes plateformes de l’économie du partage s’adonnent à une forme de parasitisme. Si le capitalisme était autrefois un mode d’allocation de ressources en situation de rareté, il est aujourd’hui devenu un système d’ingénierie de la rareté. Notre système marche sur la tête : nous feignons de croire que les ressources naturelles sont infinies, et nous imposons des barrières artificielles à ce qui est par nature abondant : la créativité et l’intelligence humaines. C’est un problème profondément moral.

Le capitalisme est devenu un système d'ingénierie de la rareté

Dans son livre Owning Our Future: The Emergent Ownership Revolution, Marjorie Kelly définit très justement la nature du défi qui nous attend : passer d’un capital extractif à un capital génératif. La bonne nouvelle, c’est que ce processus est déjà à l’oeuvre. Tout d’abord parce qu’il est aujourd’hui impossible d’occulter le fait que la société civile est devenue créatrice de valeur. C’est un point important, car la société civile était très largement absente de l'équation capitaliste “classique”. En outre, nous commençons à assister à la mutation des structures du marché lui-même : des sphères marchandes d’un genre nouveau se structurent autour du commun. Enspiral [il s'agit d'un réseau collaboratif d'entreprises responsables, NDLR], en Nouvelle Zélande, est le parfait exemple de ce genre de coalition entrepreneuriale.

Quelles sont les solutions concrètes qui permettraient selon vous au modèle pair-à-pair de prendre son indépendance vis-à-vis du capitalisme ?

M. B. Il ne faut déjà pas se tromper de stratégie. Je pense que malgré toutes les bonnes volontés, les projets qui ambitionnent de concurrencer frontalement Google ou Facebook sont condamnés à l’échec. Je crois beaucoup plus aux approches plus ciblées, à l’instar de celle de Loomio [outil en ligne d'aide à la délibération et à la prise de décision collaborative, NDLR]. La transition s’opérera par des petites victoires de ce genre qui se connecteront les unes avec les autres.

Trouver une troisième voie, qui permette d’assurer un rapport équilibré entre la sphère marchande et celle des communs

Cela passe aussi par l’invention d’outils juridiques nouveaux. Nous avons totalement perdu la mémoire des communs, et cela s’en ressent très fortement dans notre tradition juridique. Il faut faire place à l’innovation juridique. En la matière, des logiques telles que le copyleft ou à l’opposé le copysol [cette dernière licence interdit toute interaction avec le secteur marchand traditionnel, NDLR] sont certes intéressantes, mais très imparfaites car trop radicales dans leurs implications. Je veux trouver une troisième voie, qui permette d’assurer un rapport équilibré entre la sphère marchande et celle des communs. C’est tout le sens de la réflexion amorcée autour de la notion de “licence à réciprocité renforcée”, qui met en balance contribution aux communs et prélèvement sur ces derniers.

Cela suffira-t-il ? Ceux aux mains desquels le capital se concentre aujourd'hui n’ont aucun intérêt à l’émergence d’un modèle distribué et équitable…

M. B. Aucune révolution ne s’est jamais faite sans qu’une fraction de l’élite en place ne prenne le parti du progrès ! Cela signifie qu’un changement de culture est nécessaire. Aujourd’hui, Joe Justice [fondateur de la communauté WikiSpeed, NDLR] peine à lever des fonds, y compris auprès de la finance éthique, car WikiSpeed ne dépose pas de brevets. Il n’est plus possible que le monde de la finance responsable continue de soutenir des logiques créatrices de rareté artificielle.

Comme je vous le disais tout à l’heure, quand on manque de moyens, on travaille ensemble. Pour les iniatives de l’économie des communs, se constituer en réseau est plus qu’un enjeu de survie. Pour avoir une idée de ce à quoi ce genre d’écosystème pourrait ressembler, il faut se rendre à Madison, dans le Wisconsin : là-bas, des coopératives alimentaires, des systèmes de crédit coopératif inter-entreprises, des banques du temps, etc. se sont rassemblés au sein du Mutual Aid Network. Là-bas, l’économie alternative est visible dans la rue, et ce changement s’est opéré en moins de deux ans ! On trouve le même genre d'ambition à la source d'une initiative comme FairCoop en Espagne.

Communs : n. m. Ressources co-développées et co-gérées par une communauté et partagées selon les règles fixées par cette même communauté.

Pour le moment, les grands courants transformateurs qui traversent l’économie - l’économie ouverte, l’économie solidaire et l’écologie - se déploient indépendamment les uns des autres. Mais quand ces dernières convergeront, nous assisterons à la naissance d’une économie open source et circulaire. Ce concept d’Open Source Circular Economy est au cœur de la réflexion que nous menons au sein de la P2P Foundation.

Tout est politique

J’ai souvent le sentiment qu’en nous concentrant sur l’économie et en laissant de côté les processus politiques, nous avons les uns et les autres cédé aux sirènes du solutionnisme technologique décrié par Evgeny Morozov. Qu’en pensez-vous ? Devons-nous réapprendre à faire de la politique ?

M. B. Oui, d’une certaine façon, mais ce qui compte, c’est que le politique ait fini par se réimposer de lui-même au terme d’un apprentissage collectif. La Commons Transition Platform au sein de laquelle je suis très impliqué, rassemble et détaille les plans de transformation politique nécessaire à la mise en oeuvre d’une société post-capitaliste. C’est également le sens de la démarche que nous avons porté avec le projet FLOK en Équateur. Le plan de transition politique imaginé s’articulait autour d’une société civile au centre de la création de valeur en commun, d’une sphère marchande intégrant les externalités et d’un État facilitateur. Si FLOK fut un semi-échec, en raison d’un manque de volonté politique et de l’absence de base sociale sur laquelle s’appuyer, la vision politique que nous avons esquissée fait son chemin en Europe (certaines propositions ont notamment été intégrées au sein du programme économique de Syriza en Grèce).

Comment surmonter la contradiction entre les logiques institutionnelles qu’implique l’entrée dans le jeu politique et l’horizontalité chère aux mouvements sociaux contemporains ? Occupy Wall Street ou les Indignados ont fini par s’essouffler, et les Printemps Arabes ont été largement dévoyés. En Espagne, Podemos s’efforce de maintenir cet équilibre entre bottom-up et pouvoir vertical, mais cela se fait au prix de tensions permanentes.

M. B. Faire passer un mouvement à l’échelle de façon durable selon une pure logique horizontale est très compliqué, sinon impossible. A un moment ou à un autre, il faut qu’une entité collective intervienne pour transcender les intérêts individuels. Cela fait également partie de l’apprentissage collectif de la politique que nous avons dû faire. C’est également le sens de l’expérience Podemos en Espagne. Un système d’organisation totalement horizontal provoque beaucoup trop de pertes d’énergies; a contrario, le fonctionnement vertical doit être cantonné dans les espaces où il garantit un plus grand degré d’autonomie à chacun. Un peu à la façon du Domain Name System aux débuts de l’Internet.

Question subsidiaire : les communs sont-ils de gauche ?

M. B. La P2P Foundation est une organisation pluraliste sur le plan politique, tout simplement parce que la logique qui sous-tend les communs traverse l’intégralité du spectre politique. Il existe de la solidarité à droite, certains pans de l’idéologie du Front National pourraient même passer pour plus socialistes que ce que propose aujourd’hui le PS. Toute la question est de savoir à qui s’applique cette solidarité. A droite, on ne soutient véritablement que les siens ! C’est donc sur la question de l’inclusion que la véritable ligne de fracture entre droite et gauche se révèle.

C’est sur la question de l’inclusion que la véritable ligne de fracture entre droite et gauche se révèle

Personnellement, je suis un homme de gauche, et je pense que la transition vers une économie des communs ne vaut que si elle profite à tous. Tout l’enjeu est de dépasser le progressisme fondé sur le monde du travail hérité du siècle dernier. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le socialisme européen traverse une profonde crise d’identité.

Il est vrai qu’aucune formation partisane ne s’est véritablement emparé de ce thème des communs. A tort ou à raison ? Peut-on vraiment faire de cette question un objet politique ? Le concept de commun reste quoi qu’on en dise plutôt hermétique.

M. B. Le langage des communs peut de prime abord sembler technique et indigeste, c’est vrai. Mais au milieu des années 2000, quand j’ai créé la P2P Foundation, j’ai fait le choix d’abandonner totalement l’ancien lexique politique de la gauche. A l’époque, le grand public ne savait pas trop ce que pouvait bien signifier un concept comme le peer-to-peer. Mais à mesure que les pratiques culturelles et sociales se transformaient, que l’expérience du réseau devenait quotidienne, ce langage nouveau était adopté par des franges de plus en plus larges de la population. Il en ira très probablement de même avec le vocabulaire des communs.

Tout dépendra des mouvements sociaux qui prendront sur eux de porter cet arsenal conceptuel original. Je vous trouve d’ailleurs plutôt pessimiste : le Parti Pirate, les écologistes européens, Podemos ou encore Syriza ont déjà largement embrassé cette question des communs. Cette dernière est au cœur d'une nouvelle pensée progressiste.

Politiser les communs, c’est aussi en faire la généalogie

Si le droit fait aujourd’hui aussi peu de place aux communs, c’est que nous en avons perdu la mémoire. Pourtant, ce mode d’organisation et de gestion des ressources existait bien avant le capitalisme industriel moderne. Il nous faut nous rattacher à cette tradition et réécrire ce pan oublié de notre histoire économique. Politiser les communs, c’est aussi en faire la généalogie. C’est à cette condition que nous pourrons jeter les bases d’un nouveau récit sur le progrès. Changer le monde pour le meilleur demandera des efforts considérables de la part de tout un chacun, mais je pense que le pair-à-pair est une vision de société qui vaut la peine de ce sacrifice.

Merci Michel, et rendez-vous à Paris en mai prochain !

 

Image à la Une : « Turner, J. M. W. - The Fighting Téméraire tugged to her last Berth to be broken » par Joseph Mallord William Turnerhttp://www.nationalgallery.org.uk/paintings/joseph-mallord-william-turner-the-fighting-temeraire. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.

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Arthur De Grave
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Arthur De Grave
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April 20, 2015
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En attendant son intervention au prochain OuiShare Fest, j'ai profité de la sortie française de son dernier livre pour m'entretenir avec Michel Bauwens.

Michel Bauwens est l’un des pionniers du mouvement pair-à-pair. Théoricien, activiste et conférencier, il fonde la P2P Foundation en 2005. Il est également l’un des tout premiers compagnons de route de OuiShare (il figure d'ailleurs parmi les têtes d’affiche de la prochaine édition du OuiShare Fest). Sa pensée, riche et complexe, s’articule autour des notions de réseau et de commun, et jette les bases conceptuelles d’un système de production alternatif au capitalisme industriel. Je l’ai rencontré à l’occasion de la sortie française de son dernier ouvrage, Sauver le Monde - Vers une société post-capitaliste avec le peer-to-peer (édition Les Liens qui Libèrent).

Capitalisme, peer-to-peer : it’s complicated

Michel, Sauver le Monde, votre dernier ouvrage, est la traduction d’une série d’entretiens avec Jean Lievens parue il y a deux ans. Que s’est-il passé entre temps ? Avez-vous le sentiment que la dynamique de la transition que vous appelez de vos voeux s’est accélérée ?

Michel Bauwens. En la matière, il convient de se hâter lentement. Il est clair que la transition vers une économie post-capitaliste et durable ne se fera pas en un jour, ni même en quelques années. C’est un processus de longue haleine. Certains projets qui pouvaient il y a encore un ou deux ans avoir l’air de fonctionner selon une logique pair-à-pair ont depuis franchement versé dans un pur esprit capitalistique. Cela leur permet de se développer rapidement, quand d’autres projets, plus ouverts, véritablement collaboratifs, font le choix d’une croissance plus lente.

Quand on n’a pas de capitaux, il faut compter sur les dynamiques de solidarité. Alors oui, cela peut donner une impression de relative stagnation, mais je ne m’en inquiète pas outre mesure. Car c’est une crise majeure, tout à la fois écologique, sociale et économique, qui se profile à l’horizon. L’enjeu, c’est d’être prêt quand cette dernière éclatera, probablement vers les années 2030. FairCoop, WikiSpeed… Les projets de ce genre sont encore modestes et oui, trop peu nombreux. Dans les années qui viennent, il faudra que ceux qui ne sont encore que les germes de cette transition constituent un écosystème stable, de façon à amorcer un véritable mouvement.

Dans un entretien que vous nous aviez accordé en 2013, vous affirmiez que capitalisme et le pair-à-pair étaient encore interdépendants. N’est-ce pas là tout le problème ? Cette relation est-elle stable ?

M. B. Non, bien sûr, comment pourrait-elle l’être ? La valeur générée par les communs est encore largement captée par le capital : en adoptant des logiques extractives, les grandes plateformes de l’économie du partage s’adonnent à une forme de parasitisme. Si le capitalisme était autrefois un mode d’allocation de ressources en situation de rareté, il est aujourd’hui devenu un système d’ingénierie de la rareté. Notre système marche sur la tête : nous feignons de croire que les ressources naturelles sont infinies, et nous imposons des barrières artificielles à ce qui est par nature abondant : la créativité et l’intelligence humaines. C’est un problème profondément moral.

Le capitalisme est devenu un système d'ingénierie de la rareté

Dans son livre Owning Our Future: The Emergent Ownership Revolution, Marjorie Kelly définit très justement la nature du défi qui nous attend : passer d’un capital extractif à un capital génératif. La bonne nouvelle, c’est que ce processus est déjà à l’oeuvre. Tout d’abord parce qu’il est aujourd’hui impossible d’occulter le fait que la société civile est devenue créatrice de valeur. C’est un point important, car la société civile était très largement absente de l'équation capitaliste “classique”. En outre, nous commençons à assister à la mutation des structures du marché lui-même : des sphères marchandes d’un genre nouveau se structurent autour du commun. Enspiral [il s'agit d'un réseau collaboratif d'entreprises responsables, NDLR], en Nouvelle Zélande, est le parfait exemple de ce genre de coalition entrepreneuriale.

Quelles sont les solutions concrètes qui permettraient selon vous au modèle pair-à-pair de prendre son indépendance vis-à-vis du capitalisme ?

M. B. Il ne faut déjà pas se tromper de stratégie. Je pense que malgré toutes les bonnes volontés, les projets qui ambitionnent de concurrencer frontalement Google ou Facebook sont condamnés à l’échec. Je crois beaucoup plus aux approches plus ciblées, à l’instar de celle de Loomio [outil en ligne d'aide à la délibération et à la prise de décision collaborative, NDLR]. La transition s’opérera par des petites victoires de ce genre qui se connecteront les unes avec les autres.

Trouver une troisième voie, qui permette d’assurer un rapport équilibré entre la sphère marchande et celle des communs

Cela passe aussi par l’invention d’outils juridiques nouveaux. Nous avons totalement perdu la mémoire des communs, et cela s’en ressent très fortement dans notre tradition juridique. Il faut faire place à l’innovation juridique. En la matière, des logiques telles que le copyleft ou à l’opposé le copysol [cette dernière licence interdit toute interaction avec le secteur marchand traditionnel, NDLR] sont certes intéressantes, mais très imparfaites car trop radicales dans leurs implications. Je veux trouver une troisième voie, qui permette d’assurer un rapport équilibré entre la sphère marchande et celle des communs. C’est tout le sens de la réflexion amorcée autour de la notion de “licence à réciprocité renforcée”, qui met en balance contribution aux communs et prélèvement sur ces derniers.

Cela suffira-t-il ? Ceux aux mains desquels le capital se concentre aujourd'hui n’ont aucun intérêt à l’émergence d’un modèle distribué et équitable…

M. B. Aucune révolution ne s’est jamais faite sans qu’une fraction de l’élite en place ne prenne le parti du progrès ! Cela signifie qu’un changement de culture est nécessaire. Aujourd’hui, Joe Justice [fondateur de la communauté WikiSpeed, NDLR] peine à lever des fonds, y compris auprès de la finance éthique, car WikiSpeed ne dépose pas de brevets. Il n’est plus possible que le monde de la finance responsable continue de soutenir des logiques créatrices de rareté artificielle.

Comme je vous le disais tout à l’heure, quand on manque de moyens, on travaille ensemble. Pour les iniatives de l’économie des communs, se constituer en réseau est plus qu’un enjeu de survie. Pour avoir une idée de ce à quoi ce genre d’écosystème pourrait ressembler, il faut se rendre à Madison, dans le Wisconsin : là-bas, des coopératives alimentaires, des systèmes de crédit coopératif inter-entreprises, des banques du temps, etc. se sont rassemblés au sein du Mutual Aid Network. Là-bas, l’économie alternative est visible dans la rue, et ce changement s’est opéré en moins de deux ans ! On trouve le même genre d'ambition à la source d'une initiative comme FairCoop en Espagne.

Communs : n. m. Ressources co-développées et co-gérées par une communauté et partagées selon les règles fixées par cette même communauté.

Pour le moment, les grands courants transformateurs qui traversent l’économie - l’économie ouverte, l’économie solidaire et l’écologie - se déploient indépendamment les uns des autres. Mais quand ces dernières convergeront, nous assisterons à la naissance d’une économie open source et circulaire. Ce concept d’Open Source Circular Economy est au cœur de la réflexion que nous menons au sein de la P2P Foundation.

Tout est politique

J’ai souvent le sentiment qu’en nous concentrant sur l’économie et en laissant de côté les processus politiques, nous avons les uns et les autres cédé aux sirènes du solutionnisme technologique décrié par Evgeny Morozov. Qu’en pensez-vous ? Devons-nous réapprendre à faire de la politique ?

M. B. Oui, d’une certaine façon, mais ce qui compte, c’est que le politique ait fini par se réimposer de lui-même au terme d’un apprentissage collectif. La Commons Transition Platform au sein de laquelle je suis très impliqué, rassemble et détaille les plans de transformation politique nécessaire à la mise en oeuvre d’une société post-capitaliste. C’est également le sens de la démarche que nous avons porté avec le projet FLOK en Équateur. Le plan de transition politique imaginé s’articulait autour d’une société civile au centre de la création de valeur en commun, d’une sphère marchande intégrant les externalités et d’un État facilitateur. Si FLOK fut un semi-échec, en raison d’un manque de volonté politique et de l’absence de base sociale sur laquelle s’appuyer, la vision politique que nous avons esquissée fait son chemin en Europe (certaines propositions ont notamment été intégrées au sein du programme économique de Syriza en Grèce).

Comment surmonter la contradiction entre les logiques institutionnelles qu’implique l’entrée dans le jeu politique et l’horizontalité chère aux mouvements sociaux contemporains ? Occupy Wall Street ou les Indignados ont fini par s’essouffler, et les Printemps Arabes ont été largement dévoyés. En Espagne, Podemos s’efforce de maintenir cet équilibre entre bottom-up et pouvoir vertical, mais cela se fait au prix de tensions permanentes.

M. B. Faire passer un mouvement à l’échelle de façon durable selon une pure logique horizontale est très compliqué, sinon impossible. A un moment ou à un autre, il faut qu’une entité collective intervienne pour transcender les intérêts individuels. Cela fait également partie de l’apprentissage collectif de la politique que nous avons dû faire. C’est également le sens de l’expérience Podemos en Espagne. Un système d’organisation totalement horizontal provoque beaucoup trop de pertes d’énergies; a contrario, le fonctionnement vertical doit être cantonné dans les espaces où il garantit un plus grand degré d’autonomie à chacun. Un peu à la façon du Domain Name System aux débuts de l’Internet.

Question subsidiaire : les communs sont-ils de gauche ?

M. B. La P2P Foundation est une organisation pluraliste sur le plan politique, tout simplement parce que la logique qui sous-tend les communs traverse l’intégralité du spectre politique. Il existe de la solidarité à droite, certains pans de l’idéologie du Front National pourraient même passer pour plus socialistes que ce que propose aujourd’hui le PS. Toute la question est de savoir à qui s’applique cette solidarité. A droite, on ne soutient véritablement que les siens ! C’est donc sur la question de l’inclusion que la véritable ligne de fracture entre droite et gauche se révèle.

C’est sur la question de l’inclusion que la véritable ligne de fracture entre droite et gauche se révèle

Personnellement, je suis un homme de gauche, et je pense que la transition vers une économie des communs ne vaut que si elle profite à tous. Tout l’enjeu est de dépasser le progressisme fondé sur le monde du travail hérité du siècle dernier. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le socialisme européen traverse une profonde crise d’identité.

Il est vrai qu’aucune formation partisane ne s’est véritablement emparé de ce thème des communs. A tort ou à raison ? Peut-on vraiment faire de cette question un objet politique ? Le concept de commun reste quoi qu’on en dise plutôt hermétique.

M. B. Le langage des communs peut de prime abord sembler technique et indigeste, c’est vrai. Mais au milieu des années 2000, quand j’ai créé la P2P Foundation, j’ai fait le choix d’abandonner totalement l’ancien lexique politique de la gauche. A l’époque, le grand public ne savait pas trop ce que pouvait bien signifier un concept comme le peer-to-peer. Mais à mesure que les pratiques culturelles et sociales se transformaient, que l’expérience du réseau devenait quotidienne, ce langage nouveau était adopté par des franges de plus en plus larges de la population. Il en ira très probablement de même avec le vocabulaire des communs.

Tout dépendra des mouvements sociaux qui prendront sur eux de porter cet arsenal conceptuel original. Je vous trouve d’ailleurs plutôt pessimiste : le Parti Pirate, les écologistes européens, Podemos ou encore Syriza ont déjà largement embrassé cette question des communs. Cette dernière est au cœur d'une nouvelle pensée progressiste.

Politiser les communs, c’est aussi en faire la généalogie

Si le droit fait aujourd’hui aussi peu de place aux communs, c’est que nous en avons perdu la mémoire. Pourtant, ce mode d’organisation et de gestion des ressources existait bien avant le capitalisme industriel moderne. Il nous faut nous rattacher à cette tradition et réécrire ce pan oublié de notre histoire économique. Politiser les communs, c’est aussi en faire la généalogie. C’est à cette condition que nous pourrons jeter les bases d’un nouveau récit sur le progrès. Changer le monde pour le meilleur demandera des efforts considérables de la part de tout un chacun, mais je pense que le pair-à-pair est une vision de société qui vaut la peine de ce sacrifice.

Merci Michel, et rendez-vous à Paris en mai prochain !

 

Image à la Une : « Turner, J. M. W. - The Fighting Téméraire tugged to her last Berth to be broken » par Joseph Mallord William Turnerhttp://www.nationalgallery.org.uk/paintings/joseph-mallord-william-turner-the-fighting-temeraire. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.

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Arthur De Grave
Arthur De Grave
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April 20, 2015
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