Magazine
June 30, 2022

La transition écologique est une transformation du travail

Cet article a été rédigé suite aux Rencontres de l’Ecologie et du Travail, un événement organisé par le Printemps Écologique et Ouishare avec le soutien de l’Ademe Ile-de-France, la MAIF et AG2R la mondiale et qui a eu lieu les 29, 30 avril et 1er mai 2022 à la Cité Fertile de Pantin. Il s’inspire plus particulièrement de la table ronde intitulée “Transition des territoires, transformation des métiers : comment travailler en bonne intelligence ?” qui rassemblait  : 

Mohamed Gnabaly, maire de l’Île-Saint-Denis

Sophie Galharret, déléguée RSE chez GRDF

Olivier Erard, directeur du Syndicat Mixte du Mont d’Or Métabief

Modération par Clothilde Sauvages, connector Ouishare

Les dynamiques de transition se heurtent trop souvent à un plafond de verre. Elles restent à un stade expérimental, prometteuses mais incapables de transformer l’essai et de changer nos systèmes en profondeur. Comment l’expliquer ? Et si la transition écologique passait par une transformation de nos métiers, compétences et postures ?

La transition écologique, une démarche locale et ouverte 

Mohamed Gnabaly, maire de l’Île-Saint-Denis, Sophie Galharret, déléguée RSE chez GRDF et Olivier Erard, directeur du Syndicat Mixte Mont d’Or Métabief, partagent tous les trois le même constat : la transition écologique doit être menée à l’échelle territoriale, en collaboration avec les acteurs locaux. 

S’ils s'accordent sur le fait que la planification nationale est indispensable, notamment pour définir une trajectoire collective, il ressort que c’est la complémentarité entre les différentes strates qui permet la transformation des territoires. Pour rééquilibrer la balance, il y aurait aujourd’hui un enjeu à redonner de l’autonomie et des ressources au local, et donc une capacité à innover. “Ce côté descendant de la planification est sclérosant pour les territoires : pour diffuser les innovations, il faut d’abord que celles-ci puissent s'expriment pleinement sur les territoires, en lien avec les ressources locales”, remarque Olivier Erard. Et Mohamed Gnabaly de témoigner “C’est seulement depuis ces trois dernières années que les maires considèrent qu’ils peuvent agir sur le sujet de la transition écologique, là où ils pensaient que c’était davantage une compétence qui relevait du national ou du régional, à travers la question des transports ou de l’aménagement par exemple”.

Les collectivités doivent jongler entre différentes postures : tantôt cheffes d’orchestre, tantôt accompagnatrices, tantôt facilitatrices et parfois effacées, quand c’est nécessaire. 

La transition écologique doit donc partir des territoires, mais pas uniquement. Elle doit aussi s’ouvrir aux acteurs locaux. Mohamed Gnabaly explique que pour mettre l’écologie au cœur du projet économique du territoire de l’île Saint Denis, il a fallu sortir la notion d’intérêt général de l’Hôtel de ville et la mettre sur la place publique, pour la travailler avec la société civile. Quel développement économique pour le territoire ? Avec qui ? Autant de questions qu’il a choisi de traiter de façon collaborative, en organisant par exemple des sessions de co-développement avec différentes parties prenantes, y compris les entreprises. Selon lui, les acteurs économiques ne peuvent pas rester en marge de la transformation écologique des territoires.

De même, à Métabief, il a fallu s’ouvrir au territoire et arrêter de travailler en vase clos, raconte Olivier Erard. À la fois, pour aller à la rencontre de nouveaux acteurs, mais aussi pour apprendre à travailler différemment avec les partenaires habituels, comme les écoles de ski, en allant au-delà des conventions établies.

De gauche à droite : Clothilde Sauvages à la modération, Mohamed Gnabaly, Sophie Galharret et Olivier Erard

Un changement de postures à opérer pour les collectivités

Ouvrir les démarches de transition des territoires à une diversité d’acteurs n’est pourtant pas si simple. Les collectivités doivent composer avec une pluralité de temporalités, mais aussi avec une pluralité d’intérêts, souvent divergents, entre les associations, les TPE, PME et grands groupes, les habitants, scolaires, étudiants, travailleurs ou retraités, etc. L’intérêt général n’étant pas la somme des intérêts individuels, cet exercice d’ouverture de la démarche de transition doit être cadré et méthodique. 

Les collectivités ont donc un nouveau rôle à jouer. Davantage que des cheffes de file de territoires, on attend d’elles qu’elles puissent jongler entre différentes postures, en fonction des sujets et des besoins. Tantôt cheffes d’orchestre, tantôt accompagnatrices, tantôt facilitatrices et parfois effacées, quand c’est nécessaire. Pour ce faire, les collectivités doivent trouver de nouveaux outils et espaces de dialogue en dehors des espaces classiques de la concertation. 

Les collectivités doivent également élaborer de nouveaux récits pour embarquer l’ensemble des acteurs du territoire dans la transition écologique. En tant que garante de l’intérêt général et porteuse du projet de territoire, son discours agit comme un signal fort vis-à-vis des autres acteurs, y compris des entreprises. Sophie Galharret, déléguée RSE chez GRDF, raconte. Ce qui a amorcé la transformation de la direction de l’entreprise GRDF, ce sont les orientations prises par les collectivités qui projetaient un avenir sans gaz naturel en 2050 : “Suite à cet électrochoc, plutôt que d’être passif, on a changé progressivement de rôle : de celui d'observateur de cette transition, on est devenu les promoteurs d’un gaz vert renouvelable” 

Pour faciliter ces démarches ouvertes et multi-acteurs, il faut travailler de nouvelles compétences : savoir fédérer et apprendre à apprendre.

Repenser la place des entreprises dans les territoires

Les entreprises sont encore trop peu présentes dans les démarches de transition écologique dans les territoires. C’est ce qu’a révélé l’étude PACT (Parcours apprenants et communs des transition de territoires), une enquête dans trois territoires pionniers de la transition menée par Ouishare et Colab Studio à Ungersheim, Grande-Synthe et Mouans-Sartoux. 

Pour Sophie Galharret, déléguée RSE chez GRDF, cela nécessite pour une entreprise de changer sa posture sur le territoire pour réinventer sa proposition de valeur. Que signifie revoir sa proposition de valeur dans la transition écologique au sens large ? C’est quoi être un acteur du territoire ? Et un acteur de la transition écologique ? Voilà le genre de questions qu’une entreprise doit se poser, et auxquelles GRDF a commencé à répondre. D’un métier d’énergéticien opérateur de réseau, GRDF a dû se mettre en position de dialoguer avec les acteurs du territoire et sortir progressivement de son cœur d’expertise. C’est ainsi qu’elle a découvert et initié des partenariats avec des acteurs jusqu’alors inconnus, “sous les radars” de l’entreprise, souvent issus de l’ESS et qui font la transition écologique au quotidien. Chemin faisant, GRDF réinvente donc de fait son offre aux collectivités locales et son rôle sur le territoire. 

Des nouvelles compétences à cultiver

Collaborer, cela s’apprend. Pour faciliter ces démarches ouvertes et multi-acteurs, il faut donc travailler de nouvelles compétences. Pour Sophie Galharret, il s’agit en premier lieu de la capacité à fédérer autour de soi : “Embarquer au-delà des premiers convaincus, au-delà des pionniers, c’est très compliqué : il faut s’appuyer sur quelques personnes qui commencent à se mettre en mouvement pour entraîner les autres.” 

Mais il s’agit aussi, pour chaque travailleur, d’apprendre à apprendre. Chacun de nos métiers est amené à évoluer, nous devons donc miser sur la diversification et la transférabilité des compétences. “Peut être que vous allez devoir abandonner vos remontées mécaniques mais vous serez responsable d'un centre d’activités en extérieur à 10km de là. Vous resterez dans ce domaine du tourisme en montagne, vous devrez vous adapter”, nous partage Olivier Erard. C’est pourquoi le Syndicat Mixte du Mont d’Or est une “entreprise apprenante” ; chaque personne qui y travaille ressort au bout de trois mois avec une qualification. Les manageurs ont adopté une nouvelle posture, qui passe par le fait de faire de la veille, de rechercher constamment de nouvelles idées et d’avoir cette volonté de transmettre les compétences aux autres. “Je pense qu'ils sont même capables de transformer leur propre métier” témoigne Olivier Erard.

La transition écologique des territoires pose donc, on l’a vu, des questions bien plus larges que celles que l’on met habituellement derrière le mot “écologie”. Plus qu’une thématique, c’est une démarche systémique qui nécessite de l’ouverture à tous les niveaux : le territoire, les organisations, les métiers. Quels sont les cadres et les outils qu’il nous reste à créer pour faciliter les dialogues et collaborations sur les territoires ? Quel(s) sont le(s) rôle(s) de chacune des parties prenantes dans ces transformations? Et comment traiter collectivement la question de l’évolution de nos métiers, levier clé pour le passage à l’échelle des initiatives locales ? Autant de questions qui restent à explorer… Une chose est sûre : la transition écologique passera par la transformation de nos façons de travailler !

_____

Chez Ouishare, nous travaillons à faire émerger des coopérations territoriales en faveur de la transition écologique. Pour en savoir plus, vous pouvez lire notre étude de cas : Créer une filière d'écologie industrielle autour du polyéthylène

_____

Sur le même sujet :

> Tribune #RET : L’entreprise nous sauvera-t-elle de la politique ?

> Entretien #RET : A peine 20 ans et déjà militants : l'engagement comme remède à la désillusion

La transition écologique est une transformation du travail

by 
Margot Naturel
Magazine
June 30, 2022
La transition écologique est une transformation du travail
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ANALYSE #RET. Comment enclencher la transition écologique dans les territoires ? Quelles répercussions sur les métiers et les compétences des travailleurs locaux ? Et si l’écologie, c’était aussi une nouvelle façon de travailler en bonne intelligence ? Eléments de réponse.

Cet article a été rédigé suite aux Rencontres de l’Ecologie et du Travail, un événement organisé par le Printemps Écologique et Ouishare avec le soutien de l’Ademe Ile-de-France, la MAIF et AG2R la mondiale et qui a eu lieu les 29, 30 avril et 1er mai 2022 à la Cité Fertile de Pantin. Il s’inspire plus particulièrement de la table ronde intitulée “Transition des territoires, transformation des métiers : comment travailler en bonne intelligence ?” qui rassemblait  : 

Mohamed Gnabaly, maire de l’Île-Saint-Denis

Sophie Galharret, déléguée RSE chez GRDF

Olivier Erard, directeur du Syndicat Mixte du Mont d’Or Métabief

Modération par Clothilde Sauvages, connector Ouishare

Les dynamiques de transition se heurtent trop souvent à un plafond de verre. Elles restent à un stade expérimental, prometteuses mais incapables de transformer l’essai et de changer nos systèmes en profondeur. Comment l’expliquer ? Et si la transition écologique passait par une transformation de nos métiers, compétences et postures ?

La transition écologique, une démarche locale et ouverte 

Mohamed Gnabaly, maire de l’Île-Saint-Denis, Sophie Galharret, déléguée RSE chez GRDF et Olivier Erard, directeur du Syndicat Mixte Mont d’Or Métabief, partagent tous les trois le même constat : la transition écologique doit être menée à l’échelle territoriale, en collaboration avec les acteurs locaux. 

S’ils s'accordent sur le fait que la planification nationale est indispensable, notamment pour définir une trajectoire collective, il ressort que c’est la complémentarité entre les différentes strates qui permet la transformation des territoires. Pour rééquilibrer la balance, il y aurait aujourd’hui un enjeu à redonner de l’autonomie et des ressources au local, et donc une capacité à innover. “Ce côté descendant de la planification est sclérosant pour les territoires : pour diffuser les innovations, il faut d’abord que celles-ci puissent s'expriment pleinement sur les territoires, en lien avec les ressources locales”, remarque Olivier Erard. Et Mohamed Gnabaly de témoigner “C’est seulement depuis ces trois dernières années que les maires considèrent qu’ils peuvent agir sur le sujet de la transition écologique, là où ils pensaient que c’était davantage une compétence qui relevait du national ou du régional, à travers la question des transports ou de l’aménagement par exemple”.

Les collectivités doivent jongler entre différentes postures : tantôt cheffes d’orchestre, tantôt accompagnatrices, tantôt facilitatrices et parfois effacées, quand c’est nécessaire. 

La transition écologique doit donc partir des territoires, mais pas uniquement. Elle doit aussi s’ouvrir aux acteurs locaux. Mohamed Gnabaly explique que pour mettre l’écologie au cœur du projet économique du territoire de l’île Saint Denis, il a fallu sortir la notion d’intérêt général de l’Hôtel de ville et la mettre sur la place publique, pour la travailler avec la société civile. Quel développement économique pour le territoire ? Avec qui ? Autant de questions qu’il a choisi de traiter de façon collaborative, en organisant par exemple des sessions de co-développement avec différentes parties prenantes, y compris les entreprises. Selon lui, les acteurs économiques ne peuvent pas rester en marge de la transformation écologique des territoires.

De même, à Métabief, il a fallu s’ouvrir au territoire et arrêter de travailler en vase clos, raconte Olivier Erard. À la fois, pour aller à la rencontre de nouveaux acteurs, mais aussi pour apprendre à travailler différemment avec les partenaires habituels, comme les écoles de ski, en allant au-delà des conventions établies.

De gauche à droite : Clothilde Sauvages à la modération, Mohamed Gnabaly, Sophie Galharret et Olivier Erard

Un changement de postures à opérer pour les collectivités

Ouvrir les démarches de transition des territoires à une diversité d’acteurs n’est pourtant pas si simple. Les collectivités doivent composer avec une pluralité de temporalités, mais aussi avec une pluralité d’intérêts, souvent divergents, entre les associations, les TPE, PME et grands groupes, les habitants, scolaires, étudiants, travailleurs ou retraités, etc. L’intérêt général n’étant pas la somme des intérêts individuels, cet exercice d’ouverture de la démarche de transition doit être cadré et méthodique. 

Les collectivités ont donc un nouveau rôle à jouer. Davantage que des cheffes de file de territoires, on attend d’elles qu’elles puissent jongler entre différentes postures, en fonction des sujets et des besoins. Tantôt cheffes d’orchestre, tantôt accompagnatrices, tantôt facilitatrices et parfois effacées, quand c’est nécessaire. Pour ce faire, les collectivités doivent trouver de nouveaux outils et espaces de dialogue en dehors des espaces classiques de la concertation. 

Les collectivités doivent également élaborer de nouveaux récits pour embarquer l’ensemble des acteurs du territoire dans la transition écologique. En tant que garante de l’intérêt général et porteuse du projet de territoire, son discours agit comme un signal fort vis-à-vis des autres acteurs, y compris des entreprises. Sophie Galharret, déléguée RSE chez GRDF, raconte. Ce qui a amorcé la transformation de la direction de l’entreprise GRDF, ce sont les orientations prises par les collectivités qui projetaient un avenir sans gaz naturel en 2050 : “Suite à cet électrochoc, plutôt que d’être passif, on a changé progressivement de rôle : de celui d'observateur de cette transition, on est devenu les promoteurs d’un gaz vert renouvelable” 

Pour faciliter ces démarches ouvertes et multi-acteurs, il faut travailler de nouvelles compétences : savoir fédérer et apprendre à apprendre.

Repenser la place des entreprises dans les territoires

Les entreprises sont encore trop peu présentes dans les démarches de transition écologique dans les territoires. C’est ce qu’a révélé l’étude PACT (Parcours apprenants et communs des transition de territoires), une enquête dans trois territoires pionniers de la transition menée par Ouishare et Colab Studio à Ungersheim, Grande-Synthe et Mouans-Sartoux. 

Pour Sophie Galharret, déléguée RSE chez GRDF, cela nécessite pour une entreprise de changer sa posture sur le territoire pour réinventer sa proposition de valeur. Que signifie revoir sa proposition de valeur dans la transition écologique au sens large ? C’est quoi être un acteur du territoire ? Et un acteur de la transition écologique ? Voilà le genre de questions qu’une entreprise doit se poser, et auxquelles GRDF a commencé à répondre. D’un métier d’énergéticien opérateur de réseau, GRDF a dû se mettre en position de dialoguer avec les acteurs du territoire et sortir progressivement de son cœur d’expertise. C’est ainsi qu’elle a découvert et initié des partenariats avec des acteurs jusqu’alors inconnus, “sous les radars” de l’entreprise, souvent issus de l’ESS et qui font la transition écologique au quotidien. Chemin faisant, GRDF réinvente donc de fait son offre aux collectivités locales et son rôle sur le territoire. 

Des nouvelles compétences à cultiver

Collaborer, cela s’apprend. Pour faciliter ces démarches ouvertes et multi-acteurs, il faut donc travailler de nouvelles compétences. Pour Sophie Galharret, il s’agit en premier lieu de la capacité à fédérer autour de soi : “Embarquer au-delà des premiers convaincus, au-delà des pionniers, c’est très compliqué : il faut s’appuyer sur quelques personnes qui commencent à se mettre en mouvement pour entraîner les autres.” 

Mais il s’agit aussi, pour chaque travailleur, d’apprendre à apprendre. Chacun de nos métiers est amené à évoluer, nous devons donc miser sur la diversification et la transférabilité des compétences. “Peut être que vous allez devoir abandonner vos remontées mécaniques mais vous serez responsable d'un centre d’activités en extérieur à 10km de là. Vous resterez dans ce domaine du tourisme en montagne, vous devrez vous adapter”, nous partage Olivier Erard. C’est pourquoi le Syndicat Mixte du Mont d’Or est une “entreprise apprenante” ; chaque personne qui y travaille ressort au bout de trois mois avec une qualification. Les manageurs ont adopté une nouvelle posture, qui passe par le fait de faire de la veille, de rechercher constamment de nouvelles idées et d’avoir cette volonté de transmettre les compétences aux autres. “Je pense qu'ils sont même capables de transformer leur propre métier” témoigne Olivier Erard.

La transition écologique des territoires pose donc, on l’a vu, des questions bien plus larges que celles que l’on met habituellement derrière le mot “écologie”. Plus qu’une thématique, c’est une démarche systémique qui nécessite de l’ouverture à tous les niveaux : le territoire, les organisations, les métiers. Quels sont les cadres et les outils qu’il nous reste à créer pour faciliter les dialogues et collaborations sur les territoires ? Quel(s) sont le(s) rôle(s) de chacune des parties prenantes dans ces transformations? Et comment traiter collectivement la question de l’évolution de nos métiers, levier clé pour le passage à l’échelle des initiatives locales ? Autant de questions qui restent à explorer… Une chose est sûre : la transition écologique passera par la transformation de nos façons de travailler !

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Chez Ouishare, nous travaillons à faire émerger des coopérations territoriales en faveur de la transition écologique. Pour en savoir plus, vous pouvez lire notre étude de cas : Créer une filière d'écologie industrielle autour du polyéthylène

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> Entretien #RET : A peine 20 ans et déjà militants : l'engagement comme remède à la désillusion

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La transition écologique est une transformation du travail

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Cet article a été rédigé suite aux Rencontres de l’Ecologie et du Travail, un événement organisé par le Printemps Écologique et Ouishare avec le soutien de l’Ademe Ile-de-France, la MAIF et AG2R la mondiale et qui a eu lieu les 29, 30 avril et 1er mai 2022 à la Cité Fertile de Pantin. Il s’inspire plus particulièrement de la table ronde intitulée “Transition des territoires, transformation des métiers : comment travailler en bonne intelligence ?” qui rassemblait  : 

Mohamed Gnabaly, maire de l’Île-Saint-Denis

Sophie Galharret, déléguée RSE chez GRDF

Olivier Erard, directeur du Syndicat Mixte du Mont d’Or Métabief

Modération par Clothilde Sauvages, connector Ouishare

Les dynamiques de transition se heurtent trop souvent à un plafond de verre. Elles restent à un stade expérimental, prometteuses mais incapables de transformer l’essai et de changer nos systèmes en profondeur. Comment l’expliquer ? Et si la transition écologique passait par une transformation de nos métiers, compétences et postures ?

La transition écologique, une démarche locale et ouverte 

Mohamed Gnabaly, maire de l’Île-Saint-Denis, Sophie Galharret, déléguée RSE chez GRDF et Olivier Erard, directeur du Syndicat Mixte Mont d’Or Métabief, partagent tous les trois le même constat : la transition écologique doit être menée à l’échelle territoriale, en collaboration avec les acteurs locaux. 

S’ils s'accordent sur le fait que la planification nationale est indispensable, notamment pour définir une trajectoire collective, il ressort que c’est la complémentarité entre les différentes strates qui permet la transformation des territoires. Pour rééquilibrer la balance, il y aurait aujourd’hui un enjeu à redonner de l’autonomie et des ressources au local, et donc une capacité à innover. “Ce côté descendant de la planification est sclérosant pour les territoires : pour diffuser les innovations, il faut d’abord que celles-ci puissent s'expriment pleinement sur les territoires, en lien avec les ressources locales”, remarque Olivier Erard. Et Mohamed Gnabaly de témoigner “C’est seulement depuis ces trois dernières années que les maires considèrent qu’ils peuvent agir sur le sujet de la transition écologique, là où ils pensaient que c’était davantage une compétence qui relevait du national ou du régional, à travers la question des transports ou de l’aménagement par exemple”.

Les collectivités doivent jongler entre différentes postures : tantôt cheffes d’orchestre, tantôt accompagnatrices, tantôt facilitatrices et parfois effacées, quand c’est nécessaire. 

La transition écologique doit donc partir des territoires, mais pas uniquement. Elle doit aussi s’ouvrir aux acteurs locaux. Mohamed Gnabaly explique que pour mettre l’écologie au cœur du projet économique du territoire de l’île Saint Denis, il a fallu sortir la notion d’intérêt général de l’Hôtel de ville et la mettre sur la place publique, pour la travailler avec la société civile. Quel développement économique pour le territoire ? Avec qui ? Autant de questions qu’il a choisi de traiter de façon collaborative, en organisant par exemple des sessions de co-développement avec différentes parties prenantes, y compris les entreprises. Selon lui, les acteurs économiques ne peuvent pas rester en marge de la transformation écologique des territoires.

De même, à Métabief, il a fallu s’ouvrir au territoire et arrêter de travailler en vase clos, raconte Olivier Erard. À la fois, pour aller à la rencontre de nouveaux acteurs, mais aussi pour apprendre à travailler différemment avec les partenaires habituels, comme les écoles de ski, en allant au-delà des conventions établies.

De gauche à droite : Clothilde Sauvages à la modération, Mohamed Gnabaly, Sophie Galharret et Olivier Erard

Un changement de postures à opérer pour les collectivités

Ouvrir les démarches de transition des territoires à une diversité d’acteurs n’est pourtant pas si simple. Les collectivités doivent composer avec une pluralité de temporalités, mais aussi avec une pluralité d’intérêts, souvent divergents, entre les associations, les TPE, PME et grands groupes, les habitants, scolaires, étudiants, travailleurs ou retraités, etc. L’intérêt général n’étant pas la somme des intérêts individuels, cet exercice d’ouverture de la démarche de transition doit être cadré et méthodique. 

Les collectivités ont donc un nouveau rôle à jouer. Davantage que des cheffes de file de territoires, on attend d’elles qu’elles puissent jongler entre différentes postures, en fonction des sujets et des besoins. Tantôt cheffes d’orchestre, tantôt accompagnatrices, tantôt facilitatrices et parfois effacées, quand c’est nécessaire. Pour ce faire, les collectivités doivent trouver de nouveaux outils et espaces de dialogue en dehors des espaces classiques de la concertation. 

Les collectivités doivent également élaborer de nouveaux récits pour embarquer l’ensemble des acteurs du territoire dans la transition écologique. En tant que garante de l’intérêt général et porteuse du projet de territoire, son discours agit comme un signal fort vis-à-vis des autres acteurs, y compris des entreprises. Sophie Galharret, déléguée RSE chez GRDF, raconte. Ce qui a amorcé la transformation de la direction de l’entreprise GRDF, ce sont les orientations prises par les collectivités qui projetaient un avenir sans gaz naturel en 2050 : “Suite à cet électrochoc, plutôt que d’être passif, on a changé progressivement de rôle : de celui d'observateur de cette transition, on est devenu les promoteurs d’un gaz vert renouvelable” 

Pour faciliter ces démarches ouvertes et multi-acteurs, il faut travailler de nouvelles compétences : savoir fédérer et apprendre à apprendre.

Repenser la place des entreprises dans les territoires

Les entreprises sont encore trop peu présentes dans les démarches de transition écologique dans les territoires. C’est ce qu’a révélé l’étude PACT (Parcours apprenants et communs des transition de territoires), une enquête dans trois territoires pionniers de la transition menée par Ouishare et Colab Studio à Ungersheim, Grande-Synthe et Mouans-Sartoux. 

Pour Sophie Galharret, déléguée RSE chez GRDF, cela nécessite pour une entreprise de changer sa posture sur le territoire pour réinventer sa proposition de valeur. Que signifie revoir sa proposition de valeur dans la transition écologique au sens large ? C’est quoi être un acteur du territoire ? Et un acteur de la transition écologique ? Voilà le genre de questions qu’une entreprise doit se poser, et auxquelles GRDF a commencé à répondre. D’un métier d’énergéticien opérateur de réseau, GRDF a dû se mettre en position de dialoguer avec les acteurs du territoire et sortir progressivement de son cœur d’expertise. C’est ainsi qu’elle a découvert et initié des partenariats avec des acteurs jusqu’alors inconnus, “sous les radars” de l’entreprise, souvent issus de l’ESS et qui font la transition écologique au quotidien. Chemin faisant, GRDF réinvente donc de fait son offre aux collectivités locales et son rôle sur le territoire. 

Des nouvelles compétences à cultiver

Collaborer, cela s’apprend. Pour faciliter ces démarches ouvertes et multi-acteurs, il faut donc travailler de nouvelles compétences. Pour Sophie Galharret, il s’agit en premier lieu de la capacité à fédérer autour de soi : “Embarquer au-delà des premiers convaincus, au-delà des pionniers, c’est très compliqué : il faut s’appuyer sur quelques personnes qui commencent à se mettre en mouvement pour entraîner les autres.” 

Mais il s’agit aussi, pour chaque travailleur, d’apprendre à apprendre. Chacun de nos métiers est amené à évoluer, nous devons donc miser sur la diversification et la transférabilité des compétences. “Peut être que vous allez devoir abandonner vos remontées mécaniques mais vous serez responsable d'un centre d’activités en extérieur à 10km de là. Vous resterez dans ce domaine du tourisme en montagne, vous devrez vous adapter”, nous partage Olivier Erard. C’est pourquoi le Syndicat Mixte du Mont d’Or est une “entreprise apprenante” ; chaque personne qui y travaille ressort au bout de trois mois avec une qualification. Les manageurs ont adopté une nouvelle posture, qui passe par le fait de faire de la veille, de rechercher constamment de nouvelles idées et d’avoir cette volonté de transmettre les compétences aux autres. “Je pense qu'ils sont même capables de transformer leur propre métier” témoigne Olivier Erard.

La transition écologique des territoires pose donc, on l’a vu, des questions bien plus larges que celles que l’on met habituellement derrière le mot “écologie”. Plus qu’une thématique, c’est une démarche systémique qui nécessite de l’ouverture à tous les niveaux : le territoire, les organisations, les métiers. Quels sont les cadres et les outils qu’il nous reste à créer pour faciliter les dialogues et collaborations sur les territoires ? Quel(s) sont le(s) rôle(s) de chacune des parties prenantes dans ces transformations? Et comment traiter collectivement la question de l’évolution de nos métiers, levier clé pour le passage à l’échelle des initiatives locales ? Autant de questions qui restent à explorer… Une chose est sûre : la transition écologique passera par la transformation de nos façons de travailler !

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Chez Ouishare, nous travaillons à faire émerger des coopérations territoriales en faveur de la transition écologique. Pour en savoir plus, vous pouvez lire notre étude de cas : Créer une filière d'écologie industrielle autour du polyéthylène

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