Magazine
December 12, 2019

Comment, avec les artistes, déverrouiller les imaginaires urbains et les espaces publics ?

C’est Clothilde Sauvages, connector Ouishare à l’initiative de la soirée, qui interroge nos trois invités. “Comment la création artistique peut-elle contribuer à déverrouiller la ville? “ Pascal Le Brun Cordier, répond en premier et nous rappelle ce que la création artistique peut et ce qu’elle ne peut pas. “Une partie des verrous qui rendent les villes pénibles ne peuvent pas être manipulés par l’art : c’est le cas du prix du foncier ou de son inaccessibilité en termes de mobilité.” En revanche, l’art peut agir à d’autres niveaux pour déverrouiller la ville.

Transformer les imaginaires de la ville

L’art peut révéler les singularités d’une ville, y introduire de la poésie, de la fantaisie. Les représentations collectives sont ainsi modifiées, et ceux qui l’habitent commencent à envisager la ville autrement, cessent de penser  la ville comme quelque chose de figé. “Montrer qu’il y a d’autres possibles disponibles est éminemment politique.” rappelle Pascal. 

Transformer les imaginaires d’une ville et provoquer des échanges, cela décrit assez bien les motivations de Dan Acher, qui est à l’initiative de projets tel que CineTransat. Dan nous raconte que jusqu’à récemment, Genève était une ville dont tout le monde partait l’été. Désormais, il s’y passe pleins d’activités et notamment un festival de cinéma en plein air qui sert de prétexte pour rassembler les gens. “Après les films, les gens dansent et chantent.” raconte Dan Acher. Cela a profondément transformé l’imaginaire de la ville.

Insuffler de nouvelles pratiques

Ensuite, la création artistique peut générer des changements d'attitude et de nouveaux usages : nous invite à ralentir le pas, à jouir plus intensément du paysage, à être plus attentifs aux plaisirs qui sont là et à échanger avec les autres.

Les projets de Noise La Ville témoignent de cette volonté. “En organisant l’événement leur festival annuel 2018 dans trois lieux aux identités très distinctes (Saint-Denis, Villejuif et à Science-Po Paris), nous souhaitions encourager le déplacement et mélanger les populations. Attirer des personnes à Saint-Denis qui n’y ont jamais mis les pieds, cela permet de transformer leur regard sur cette ville.” raconte Camille Bonazzi.

Éveiller une conscience citoyenne

“A certaines conditions, l’art peut éveiller une conscience citoyenne.” explique Pascal. Tout d’abord, en nous convainquant que l’on peut transformer notre ville : l’oeuvre d’art démontre que la ville n’est pas identique à elle même tout le temps et qu’elle peut être modifiée. Ensuite, certains projets vont inclure une dimension participative. Ceux-ci réveillent une capacité de faire et d’agir. C’est le cas par exemple le projet d’Olivier Grossetête, Un été au Havre“Les Constructions Monumentales Participatives en Cartons sont des rendez-vous donnés à la population pour bâtir ensemble une architecture insolite, un rêve de gamin, une performance collective. Le public est invité à assembler des boîtes de cartons vides pour édifier un bâtiment sans grue ni machine, uniquement avec l'énergie humaine et la force des bras.*”

Autre exemple, le projet de Dan Acher Exchange Box qui vise à la fois à favoriser des rencontres et l’adoption d’un comportement responsable. Ces boîtes d’échange entre voisins deviennent des nœuds de circulations. A Genève, elles ont permis d’éviter la déchetterie à 32 tonnes de matériel. Grâce à de tels résultats, les projets artistiques commencent à recevoir une écoute et un accueil de la part des municipalités.

Vers un droit à la ville

Le fond du sujet rappelle Camille, c’est le droit à la ville. C’est faire des villes des biens communs accessibles à tous les habitants. Pour y parvenir, il faudrait alors penser des associations inédites entre artistes, philosophes et urbanistes pour modifier les villes de manière pérenne. 

C’est aussi envisager la participation, au sens de la prise de décision, au coeur des processus de choix d’aménagement urbain, des allocations des budgets.

Mesurer l’impact social de l’art en ville ?

Pour aller plus loin dans les collaborations avec les municipalités à visée transformative, se pose rapidement la question de la mesure de l’impact social.

Dan nous rappelle que les indicateurs quantitatifs (nombre de personnes, d’où ils viennent, le temps passé sur place…) ne permettent de comprendre l’effet de l’œuvre que de manière très partielle. “Le vécu et l’expérience émotionnelle sont beaucoup plus difficiles à qualifier.” De plus, ces études d’impact sont extrêmement longues et coûteuses à mener, ce qui peut prendre le pas sur la démarche créative.

Pascal souligne néanmoins la nécessité de mettre en récit ces projets et les effets produits car ils ne sont pas toujours faciles à saisir. Pour ne pas tomber dans l’écueil de l’indicateur quantitatif, il faut être créatif et en inventer de nouveaux. Cette démarche contribue à démontrer que les projets artistiques peuvent dans certains cas contribuer à un changement systémique, aider les personnes à se transformer, modifier leur rapport au monde.

“Seule la répétition et l’expérience permettent d’améliorer les projets et de mieux maîtriser l’effet généré.” explique Camille. En répétant deux années de suite leur événement porte drapeau à Saint-Denis, Noise La Ville a pu se fixer de nouveaux objectifs comme celui de faire venir des personnes de Saint-Denis à l’événement. Une partie de l’impact social désiré se pense en faisant, en observant ce qui se passe. Il n’y a que pour les dossiers de financement que tout est pensé ex nihilo.

Art in situ, vs art ex nihilo, qu’est-ce que cela change ?

Il y a plusieurs manières de faire de l’art dans l’espace public. “Il faut distinguer le projet hors sol du projet qui émerge.” rappelle Camille. Elle nous raconte comment tout projet chez Noise commence par un travail d’investigation. “Il s’agit de partir de l’existant. On passe beaucoup de temps à rencontrer les associations, les éducateurs.”

Un exemple emblématique de ce que l’on pourrait appeler “l’art dans la ville”, où la ville est un terrain de jeu où l’on dépose des objets, c’est Tree à place Vendôme, un sapin gonflable vert avait été déposé par l’artiste McCarthy en 2014. Il avait fait polémique pour sa ressemblance à un plug anal.


A contrario,”l’art de la ville” consiste à greffer des projets au tissu urbain. Dans ce cas, le travail de repérage est important pour gagner en justesse. L’artiste crée alors spécifiquement pour un lieu.

C’est le cas du projet Focus à Nantes. Une fontaine avait été cachée par des échafaudages pendant plusieurs mois. A l’occasion du Voyages à Nantes 2007, l’artiste Tatzu Nishi a proposé d’installer un hôtel éphémère autour de cette même fontaine. 

La soirée s’est prolongée par un atelier animé par le Studio De Crecy, il a s’agit de donner une nouvelle vie à des déchets urbains en les magnifiant par la création artistique. Les sculptures réalisés ont ensuite été déposées dans la cour de l’espace de co-working pour que d’autres les découvrent et pour remettre de l'inattendu dans cet espace commun, familier des co-workers de l’espace.

Ressources et références artistiques citées pendant l'événement


Klaxon, le magazine dédié à l'art vivant dans l'espace public

http://www.cifas.be/fr/download/klaxon 

La ZAT Montpellier

De quartier en quartier la ZAT envisage l’espace public comme lieu de liberté et d’expériences, où résonne projets artistiques et projets urbains. Cette Zone devient source de créations et lieu d’exposition. Pascal en a été le directeur artistique.

https://zat.montpellier.fr/ 

Le Superkilen park à Copenhagen

Cette no-go zone, un terrain vague de 800m de long, est devenue très accueillante après avoir été repensée par l’agence hyperflex. Désormais, on se déplace pour y aller.

https://www.visitcopenhagen.com/copenhagen/superkilen-park-gdk707822 

La boîte des voisins

Une journée dans la vie d’une boîte à dons, un film accéléré qui montre les effets inattendus du dispositifs.

https://vimeo.com/111727337  

Borealis

Des aurores boréales en ville pour éveiller notre capacité d'émerveillement et nous inviter à admirer le paysage en ville. Un projet de Dan Archer.

https://happycitylab.com/fr/project/borealis/ 

Un été au Havre

La ville du Havre invite chaque été de grands artistes de renommée internationale à provoquer l’architecture, à transformer la ville en un énorme plateau de jeu, à exprimer leur art dans l’espace public.

https://www.lehavre.fr/agenda/un-ete-au-havre-2019 

Catène de containers au Havre

Une œuvre temporaire issue de “un été au Havre” qui est devenue un symbole de la ville. Elle est appréciée pour son lien à l'histoire portuaire de la ville. Ce sont les citoyens qui ont mis en place une pétition afin qu’elle soit maintenue.

https://www.uneteauhavre.fr/fr/catene-de-containers 

Le festival ecstatique à la Défense

Clothilde Sauvages nous rappelle que les dispositifs d’art urbain se multiplient en Ile de France.

https://www.ladefense.fr/fr/vie-de-quartier/les-extatiques-deuxieme-edition 

Le programme RER B par Noise La Ville

Un programme qui vise à faire découvrir les techniques journalistiques à une quinzaine de jeunes vivant le long de cette ligne. Au fil des journées de formation, ils s'essayent à l'écriture, la photo, la radio, la vidéo pour parler de leur ville.

https://www.noise-laville.fr/rer-b/ 

Itinerrance & Boulevard 13

Un parcours de Street Art est né d’un partenariat entre la Mairie de ce quartier et la Galerie Itinerrance.

http://itinerrance.fr/inauguration-du-projet-boulevard-paris-13/ 

Happy City: Transforming Our Lives Through Urban Design de Charles Montgomery

Le livre qui a inspiré le nom de la démarche portée par Dan Archer.

https://en.wikipedia.org/wiki/Happy_City

* description issue du site https://olivier-grossetete.com/constructions-monumentales




Comment, avec les artistes, déverrouiller les imaginaires urbains et les espaces publics ?

by 
Hélène Vuaroqueaux
Magazine
July 16, 2019
Comment, avec les artistes, déverrouiller les imaginaires urbains et les espaces publics ?
Share on

ANALYSE. La ville moderne a longtemps été pensée comme une machine, un dispositif qui doit répondre mécaniquement et efficacement à des fonctionnalités telles que la circulation des voitures ou le logement des habitants. Nous pensons, au contraire, que les villes à l’épreuve de l’usage doivent être évolutives, vivantes et que les espaces publics peuvent être des lieux accueillants et sources de création. Nous en avons discuté avec Dan Acher, artiviste chez Happy City Lab, Camille Bonazzi, journaliste et vice-présidente de Noise La Ville et Pascal Le Brun Cordier, programmateur artistique et responsable du Master 2 professionnel Projets Culturels dans l'Espace Public.

C’est Clothilde Sauvages, connector Ouishare à l’initiative de la soirée, qui interroge nos trois invités. “Comment la création artistique peut-elle contribuer à déverrouiller la ville? “ Pascal Le Brun Cordier, répond en premier et nous rappelle ce que la création artistique peut et ce qu’elle ne peut pas. “Une partie des verrous qui rendent les villes pénibles ne peuvent pas être manipulés par l’art : c’est le cas du prix du foncier ou de son inaccessibilité en termes de mobilité.” En revanche, l’art peut agir à d’autres niveaux pour déverrouiller la ville.

Transformer les imaginaires de la ville

L’art peut révéler les singularités d’une ville, y introduire de la poésie, de la fantaisie. Les représentations collectives sont ainsi modifiées, et ceux qui l’habitent commencent à envisager la ville autrement, cessent de penser  la ville comme quelque chose de figé. “Montrer qu’il y a d’autres possibles disponibles est éminemment politique.” rappelle Pascal. 

Transformer les imaginaires d’une ville et provoquer des échanges, cela décrit assez bien les motivations de Dan Acher, qui est à l’initiative de projets tel que CineTransat. Dan nous raconte que jusqu’à récemment, Genève était une ville dont tout le monde partait l’été. Désormais, il s’y passe pleins d’activités et notamment un festival de cinéma en plein air qui sert de prétexte pour rassembler les gens. “Après les films, les gens dansent et chantent.” raconte Dan Acher. Cela a profondément transformé l’imaginaire de la ville.

Insuffler de nouvelles pratiques

Ensuite, la création artistique peut générer des changements d'attitude et de nouveaux usages : nous invite à ralentir le pas, à jouir plus intensément du paysage, à être plus attentifs aux plaisirs qui sont là et à échanger avec les autres.

Les projets de Noise La Ville témoignent de cette volonté. “En organisant l’événement leur festival annuel 2018 dans trois lieux aux identités très distinctes (Saint-Denis, Villejuif et à Science-Po Paris), nous souhaitions encourager le déplacement et mélanger les populations. Attirer des personnes à Saint-Denis qui n’y ont jamais mis les pieds, cela permet de transformer leur regard sur cette ville.” raconte Camille Bonazzi.

Éveiller une conscience citoyenne

“A certaines conditions, l’art peut éveiller une conscience citoyenne.” explique Pascal. Tout d’abord, en nous convainquant que l’on peut transformer notre ville : l’oeuvre d’art démontre que la ville n’est pas identique à elle même tout le temps et qu’elle peut être modifiée. Ensuite, certains projets vont inclure une dimension participative. Ceux-ci réveillent une capacité de faire et d’agir. C’est le cas par exemple le projet d’Olivier Grossetête, Un été au Havre“Les Constructions Monumentales Participatives en Cartons sont des rendez-vous donnés à la population pour bâtir ensemble une architecture insolite, un rêve de gamin, une performance collective. Le public est invité à assembler des boîtes de cartons vides pour édifier un bâtiment sans grue ni machine, uniquement avec l'énergie humaine et la force des bras.*”

Autre exemple, le projet de Dan Acher Exchange Box qui vise à la fois à favoriser des rencontres et l’adoption d’un comportement responsable. Ces boîtes d’échange entre voisins deviennent des nœuds de circulations. A Genève, elles ont permis d’éviter la déchetterie à 32 tonnes de matériel. Grâce à de tels résultats, les projets artistiques commencent à recevoir une écoute et un accueil de la part des municipalités.

Vers un droit à la ville

Le fond du sujet rappelle Camille, c’est le droit à la ville. C’est faire des villes des biens communs accessibles à tous les habitants. Pour y parvenir, il faudrait alors penser des associations inédites entre artistes, philosophes et urbanistes pour modifier les villes de manière pérenne. 

C’est aussi envisager la participation, au sens de la prise de décision, au coeur des processus de choix d’aménagement urbain, des allocations des budgets.

Mesurer l’impact social de l’art en ville ?

Pour aller plus loin dans les collaborations avec les municipalités à visée transformative, se pose rapidement la question de la mesure de l’impact social.

Dan nous rappelle que les indicateurs quantitatifs (nombre de personnes, d’où ils viennent, le temps passé sur place…) ne permettent de comprendre l’effet de l’œuvre que de manière très partielle. “Le vécu et l’expérience émotionnelle sont beaucoup plus difficiles à qualifier.” De plus, ces études d’impact sont extrêmement longues et coûteuses à mener, ce qui peut prendre le pas sur la démarche créative.

Pascal souligne néanmoins la nécessité de mettre en récit ces projets et les effets produits car ils ne sont pas toujours faciles à saisir. Pour ne pas tomber dans l’écueil de l’indicateur quantitatif, il faut être créatif et en inventer de nouveaux. Cette démarche contribue à démontrer que les projets artistiques peuvent dans certains cas contribuer à un changement systémique, aider les personnes à se transformer, modifier leur rapport au monde.

“Seule la répétition et l’expérience permettent d’améliorer les projets et de mieux maîtriser l’effet généré.” explique Camille. En répétant deux années de suite leur événement porte drapeau à Saint-Denis, Noise La Ville a pu se fixer de nouveaux objectifs comme celui de faire venir des personnes de Saint-Denis à l’événement. Une partie de l’impact social désiré se pense en faisant, en observant ce qui se passe. Il n’y a que pour les dossiers de financement que tout est pensé ex nihilo.

Art in situ, vs art ex nihilo, qu’est-ce que cela change ?

Il y a plusieurs manières de faire de l’art dans l’espace public. “Il faut distinguer le projet hors sol du projet qui émerge.” rappelle Camille. Elle nous raconte comment tout projet chez Noise commence par un travail d’investigation. “Il s’agit de partir de l’existant. On passe beaucoup de temps à rencontrer les associations, les éducateurs.”

Un exemple emblématique de ce que l’on pourrait appeler “l’art dans la ville”, où la ville est un terrain de jeu où l’on dépose des objets, c’est Tree à place Vendôme, un sapin gonflable vert avait été déposé par l’artiste McCarthy en 2014. Il avait fait polémique pour sa ressemblance à un plug anal.


A contrario,”l’art de la ville” consiste à greffer des projets au tissu urbain. Dans ce cas, le travail de repérage est important pour gagner en justesse. L’artiste crée alors spécifiquement pour un lieu.

C’est le cas du projet Focus à Nantes. Une fontaine avait été cachée par des échafaudages pendant plusieurs mois. A l’occasion du Voyages à Nantes 2007, l’artiste Tatzu Nishi a proposé d’installer un hôtel éphémère autour de cette même fontaine. 

La soirée s’est prolongée par un atelier animé par le Studio De Crecy, il a s’agit de donner une nouvelle vie à des déchets urbains en les magnifiant par la création artistique. Les sculptures réalisés ont ensuite été déposées dans la cour de l’espace de co-working pour que d’autres les découvrent et pour remettre de l'inattendu dans cet espace commun, familier des co-workers de l’espace.

Ressources et références artistiques citées pendant l'événement


Klaxon, le magazine dédié à l'art vivant dans l'espace public

http://www.cifas.be/fr/download/klaxon 

La ZAT Montpellier

De quartier en quartier la ZAT envisage l’espace public comme lieu de liberté et d’expériences, où résonne projets artistiques et projets urbains. Cette Zone devient source de créations et lieu d’exposition. Pascal en a été le directeur artistique.

https://zat.montpellier.fr/ 

Le Superkilen park à Copenhagen

Cette no-go zone, un terrain vague de 800m de long, est devenue très accueillante après avoir été repensée par l’agence hyperflex. Désormais, on se déplace pour y aller.

https://www.visitcopenhagen.com/copenhagen/superkilen-park-gdk707822 

La boîte des voisins

Une journée dans la vie d’une boîte à dons, un film accéléré qui montre les effets inattendus du dispositifs.

https://vimeo.com/111727337  

Borealis

Des aurores boréales en ville pour éveiller notre capacité d'émerveillement et nous inviter à admirer le paysage en ville. Un projet de Dan Archer.

https://happycitylab.com/fr/project/borealis/ 

Un été au Havre

La ville du Havre invite chaque été de grands artistes de renommée internationale à provoquer l’architecture, à transformer la ville en un énorme plateau de jeu, à exprimer leur art dans l’espace public.

https://www.lehavre.fr/agenda/un-ete-au-havre-2019 

Catène de containers au Havre

Une œuvre temporaire issue de “un été au Havre” qui est devenue un symbole de la ville. Elle est appréciée pour son lien à l'histoire portuaire de la ville. Ce sont les citoyens qui ont mis en place une pétition afin qu’elle soit maintenue.

https://www.uneteauhavre.fr/fr/catene-de-containers 

Le festival ecstatique à la Défense

Clothilde Sauvages nous rappelle que les dispositifs d’art urbain se multiplient en Ile de France.

https://www.ladefense.fr/fr/vie-de-quartier/les-extatiques-deuxieme-edition 

Le programme RER B par Noise La Ville

Un programme qui vise à faire découvrir les techniques journalistiques à une quinzaine de jeunes vivant le long de cette ligne. Au fil des journées de formation, ils s'essayent à l'écriture, la photo, la radio, la vidéo pour parler de leur ville.

https://www.noise-laville.fr/rer-b/ 

Itinerrance & Boulevard 13

Un parcours de Street Art est né d’un partenariat entre la Mairie de ce quartier et la Galerie Itinerrance.

http://itinerrance.fr/inauguration-du-projet-boulevard-paris-13/ 

Happy City: Transforming Our Lives Through Urban Design de Charles Montgomery

Le livre qui a inspiré le nom de la démarche portée par Dan Archer.

https://en.wikipedia.org/wiki/Happy_City

* description issue du site https://olivier-grossetete.com/constructions-monumentales




by 
Hélène Vuaroqueaux
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July 16, 2019

Comment, avec les artistes, déverrouiller les imaginaires urbains et les espaces publics ?

by
Hélène Vuaroqueaux
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ANALYSE. La ville moderne a longtemps été pensée comme une machine, un dispositif qui doit répondre mécaniquement et efficacement à des fonctionnalités telles que la circulation des voitures ou le logement des habitants. Nous pensons, au contraire, que les villes à l’épreuve de l’usage doivent être évolutives, vivantes et que les espaces publics peuvent être des lieux accueillants et sources de création. Nous en avons discuté avec Dan Acher, artiviste chez Happy City Lab, Camille Bonazzi, journaliste et vice-présidente de Noise La Ville et Pascal Le Brun Cordier, programmateur artistique et responsable du Master 2 professionnel Projets Culturels dans l'Espace Public.

C’est Clothilde Sauvages, connector Ouishare à l’initiative de la soirée, qui interroge nos trois invités. “Comment la création artistique peut-elle contribuer à déverrouiller la ville? “ Pascal Le Brun Cordier, répond en premier et nous rappelle ce que la création artistique peut et ce qu’elle ne peut pas. “Une partie des verrous qui rendent les villes pénibles ne peuvent pas être manipulés par l’art : c’est le cas du prix du foncier ou de son inaccessibilité en termes de mobilité.” En revanche, l’art peut agir à d’autres niveaux pour déverrouiller la ville.

Transformer les imaginaires de la ville

L’art peut révéler les singularités d’une ville, y introduire de la poésie, de la fantaisie. Les représentations collectives sont ainsi modifiées, et ceux qui l’habitent commencent à envisager la ville autrement, cessent de penser  la ville comme quelque chose de figé. “Montrer qu’il y a d’autres possibles disponibles est éminemment politique.” rappelle Pascal. 

Transformer les imaginaires d’une ville et provoquer des échanges, cela décrit assez bien les motivations de Dan Acher, qui est à l’initiative de projets tel que CineTransat. Dan nous raconte que jusqu’à récemment, Genève était une ville dont tout le monde partait l’été. Désormais, il s’y passe pleins d’activités et notamment un festival de cinéma en plein air qui sert de prétexte pour rassembler les gens. “Après les films, les gens dansent et chantent.” raconte Dan Acher. Cela a profondément transformé l’imaginaire de la ville.

Insuffler de nouvelles pratiques

Ensuite, la création artistique peut générer des changements d'attitude et de nouveaux usages : nous invite à ralentir le pas, à jouir plus intensément du paysage, à être plus attentifs aux plaisirs qui sont là et à échanger avec les autres.

Les projets de Noise La Ville témoignent de cette volonté. “En organisant l’événement leur festival annuel 2018 dans trois lieux aux identités très distinctes (Saint-Denis, Villejuif et à Science-Po Paris), nous souhaitions encourager le déplacement et mélanger les populations. Attirer des personnes à Saint-Denis qui n’y ont jamais mis les pieds, cela permet de transformer leur regard sur cette ville.” raconte Camille Bonazzi.

Éveiller une conscience citoyenne

“A certaines conditions, l’art peut éveiller une conscience citoyenne.” explique Pascal. Tout d’abord, en nous convainquant que l’on peut transformer notre ville : l’oeuvre d’art démontre que la ville n’est pas identique à elle même tout le temps et qu’elle peut être modifiée. Ensuite, certains projets vont inclure une dimension participative. Ceux-ci réveillent une capacité de faire et d’agir. C’est le cas par exemple le projet d’Olivier Grossetête, Un été au Havre“Les Constructions Monumentales Participatives en Cartons sont des rendez-vous donnés à la population pour bâtir ensemble une architecture insolite, un rêve de gamin, une performance collective. Le public est invité à assembler des boîtes de cartons vides pour édifier un bâtiment sans grue ni machine, uniquement avec l'énergie humaine et la force des bras.*”

Autre exemple, le projet de Dan Acher Exchange Box qui vise à la fois à favoriser des rencontres et l’adoption d’un comportement responsable. Ces boîtes d’échange entre voisins deviennent des nœuds de circulations. A Genève, elles ont permis d’éviter la déchetterie à 32 tonnes de matériel. Grâce à de tels résultats, les projets artistiques commencent à recevoir une écoute et un accueil de la part des municipalités.

Vers un droit à la ville

Le fond du sujet rappelle Camille, c’est le droit à la ville. C’est faire des villes des biens communs accessibles à tous les habitants. Pour y parvenir, il faudrait alors penser des associations inédites entre artistes, philosophes et urbanistes pour modifier les villes de manière pérenne. 

C’est aussi envisager la participation, au sens de la prise de décision, au coeur des processus de choix d’aménagement urbain, des allocations des budgets.

Mesurer l’impact social de l’art en ville ?

Pour aller plus loin dans les collaborations avec les municipalités à visée transformative, se pose rapidement la question de la mesure de l’impact social.

Dan nous rappelle que les indicateurs quantitatifs (nombre de personnes, d’où ils viennent, le temps passé sur place…) ne permettent de comprendre l’effet de l’œuvre que de manière très partielle. “Le vécu et l’expérience émotionnelle sont beaucoup plus difficiles à qualifier.” De plus, ces études d’impact sont extrêmement longues et coûteuses à mener, ce qui peut prendre le pas sur la démarche créative.

Pascal souligne néanmoins la nécessité de mettre en récit ces projets et les effets produits car ils ne sont pas toujours faciles à saisir. Pour ne pas tomber dans l’écueil de l’indicateur quantitatif, il faut être créatif et en inventer de nouveaux. Cette démarche contribue à démontrer que les projets artistiques peuvent dans certains cas contribuer à un changement systémique, aider les personnes à se transformer, modifier leur rapport au monde.

“Seule la répétition et l’expérience permettent d’améliorer les projets et de mieux maîtriser l’effet généré.” explique Camille. En répétant deux années de suite leur événement porte drapeau à Saint-Denis, Noise La Ville a pu se fixer de nouveaux objectifs comme celui de faire venir des personnes de Saint-Denis à l’événement. Une partie de l’impact social désiré se pense en faisant, en observant ce qui se passe. Il n’y a que pour les dossiers de financement que tout est pensé ex nihilo.

Art in situ, vs art ex nihilo, qu’est-ce que cela change ?

Il y a plusieurs manières de faire de l’art dans l’espace public. “Il faut distinguer le projet hors sol du projet qui émerge.” rappelle Camille. Elle nous raconte comment tout projet chez Noise commence par un travail d’investigation. “Il s’agit de partir de l’existant. On passe beaucoup de temps à rencontrer les associations, les éducateurs.”

Un exemple emblématique de ce que l’on pourrait appeler “l’art dans la ville”, où la ville est un terrain de jeu où l’on dépose des objets, c’est Tree à place Vendôme, un sapin gonflable vert avait été déposé par l’artiste McCarthy en 2014. Il avait fait polémique pour sa ressemblance à un plug anal.


A contrario,”l’art de la ville” consiste à greffer des projets au tissu urbain. Dans ce cas, le travail de repérage est important pour gagner en justesse. L’artiste crée alors spécifiquement pour un lieu.

C’est le cas du projet Focus à Nantes. Une fontaine avait été cachée par des échafaudages pendant plusieurs mois. A l’occasion du Voyages à Nantes 2007, l’artiste Tatzu Nishi a proposé d’installer un hôtel éphémère autour de cette même fontaine. 

La soirée s’est prolongée par un atelier animé par le Studio De Crecy, il a s’agit de donner une nouvelle vie à des déchets urbains en les magnifiant par la création artistique. Les sculptures réalisés ont ensuite été déposées dans la cour de l’espace de co-working pour que d’autres les découvrent et pour remettre de l'inattendu dans cet espace commun, familier des co-workers de l’espace.

Ressources et références artistiques citées pendant l'événement


Klaxon, le magazine dédié à l'art vivant dans l'espace public

http://www.cifas.be/fr/download/klaxon 

La ZAT Montpellier

De quartier en quartier la ZAT envisage l’espace public comme lieu de liberté et d’expériences, où résonne projets artistiques et projets urbains. Cette Zone devient source de créations et lieu d’exposition. Pascal en a été le directeur artistique.

https://zat.montpellier.fr/ 

Le Superkilen park à Copenhagen

Cette no-go zone, un terrain vague de 800m de long, est devenue très accueillante après avoir été repensée par l’agence hyperflex. Désormais, on se déplace pour y aller.

https://www.visitcopenhagen.com/copenhagen/superkilen-park-gdk707822 

La boîte des voisins

Une journée dans la vie d’une boîte à dons, un film accéléré qui montre les effets inattendus du dispositifs.

https://vimeo.com/111727337  

Borealis

Des aurores boréales en ville pour éveiller notre capacité d'émerveillement et nous inviter à admirer le paysage en ville. Un projet de Dan Archer.

https://happycitylab.com/fr/project/borealis/ 

Un été au Havre

La ville du Havre invite chaque été de grands artistes de renommée internationale à provoquer l’architecture, à transformer la ville en un énorme plateau de jeu, à exprimer leur art dans l’espace public.

https://www.lehavre.fr/agenda/un-ete-au-havre-2019 

Catène de containers au Havre

Une œuvre temporaire issue de “un été au Havre” qui est devenue un symbole de la ville. Elle est appréciée pour son lien à l'histoire portuaire de la ville. Ce sont les citoyens qui ont mis en place une pétition afin qu’elle soit maintenue.

https://www.uneteauhavre.fr/fr/catene-de-containers 

Le festival ecstatique à la Défense

Clothilde Sauvages nous rappelle que les dispositifs d’art urbain se multiplient en Ile de France.

https://www.ladefense.fr/fr/vie-de-quartier/les-extatiques-deuxieme-edition 

Le programme RER B par Noise La Ville

Un programme qui vise à faire découvrir les techniques journalistiques à une quinzaine de jeunes vivant le long de cette ligne. Au fil des journées de formation, ils s'essayent à l'écriture, la photo, la radio, la vidéo pour parler de leur ville.

https://www.noise-laville.fr/rer-b/ 

Itinerrance & Boulevard 13

Un parcours de Street Art est né d’un partenariat entre la Mairie de ce quartier et la Galerie Itinerrance.

http://itinerrance.fr/inauguration-du-projet-boulevard-paris-13/ 

Happy City: Transforming Our Lives Through Urban Design de Charles Montgomery

Le livre qui a inspiré le nom de la démarche portée par Dan Archer.

https://en.wikipedia.org/wiki/Happy_City

* description issue du site https://olivier-grossetete.com/constructions-monumentales




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